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Je veux une maison faite de sorties de secours : hommage à Nelly Arcan
Crédit: Montage: Victoria Koscielniak

Je suis assise dans une grande salle de la Cinémathèque québécoise. Le public est fébrile, on tamise la lumière : nous assistons à la projection d’un extrait de film sur l’écrivaine Nelly Arcan, de la réalisatrice Anne Émond.

Ma sacoche par terre contient une somme banale de cossins qu’on pourrait trouver chez n’importe quelle jeune femme. Baume, mascara et clés s’empilent sur un livre-hommage à Nelly. Si je l’appelle par son prénom de plume, c’est que j’ai comme plusieurs, l’impression de la connaître.

Le 24 septembre 2009, Nelly Arcan s’enlève la vie.

Ce n’est que six ans plus tard que naît Je veux une maison faite de sorties de secours, un ouvrage qui abrite une série de réflexions, d’entrevues et de souvenirs sur la défunte de la part de gens qui l’on connue, côtoyée ou qui ont été marqués par elle. Sous la direction de Claudia Larochelle, une amie proche de Nelly, le livre rend hommage à celle qui, comme une comète, a marqué le paysage littéraire francophone.

Je plonge dans ce livre un peu comme je le fais dans une piscine froide un jour d’été : un pas à la fois.

J’ai l’impression de m’immiscer dans l’intimité de Nelly, sans invitation cette fois-ci. Je me souviens de la première fois où j’ai rencontré sa voix. Un livre, Folle, entre les mains. Je ne saisissais pas encore la gravité et pertinence de ses propos, mais j’étais touchée et pressentais que le poids qu’elle léguait dans son œuvre allait survivre longtemps.

Étudiante en littérature puis escorte, dès la publication de son premier livre Putain, celle qui planifiait de se cacher derrière un nom fictif est aspirée dans un cirque médiatique. Nelly est un paradoxe qui captive. D’une part, il y a l’écrivaine troublée qui exorcise un mal de vivre à travers l’autofiction, qui dénonce haut et fort la prison des normes de beauté imposée aux femmes, qui se penche sur les relations hommes-femmes et sur la nature brutale du désir à l’ère de la pornographie. Puis de l’autre côté, il y a la Nelly soumise, qui se plie aux mêmes codes qui l’obsèdent, s’altère à coups de bistouri, qui cherche à plaire et à être désirée.
 


Crédit : victoriakoscielniiak/Instagram

 

Je tourne les pages. Je sais ce que je cherche et je sais que je ne le trouverai pas. Il n’y a pas une, mais une armée de Nelly et j’en découvre les mille visages. J’écoute son père qui me raconte le premier mot de sa petite Isabelle, j’entends son rire quand un ami lui fait une blague trash, je la vois étreindre Claudia quand elle visite celle-ci en rêve. Je regarde ses photos et les images parsemées de bleu et d’astres. Entre les anecdotes plus personnelles, je revêtis la posture d’observateur.

Certains textes de gens qui lui ont été inconnus me laissent froide et me rappellent que, dans le fond, je ne la connaissais pas moi non plus.

Connaissez-vous l'œuvre de Nelly Arcan? 

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