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Comment je me suis réapproprié le mot « grosse »
Crédit: Caroline-Molie Fisette-Robitaille

J'étais vendeuse à la vente trottoir sur Mont-Royal. Il faisait beau pis c'était ma fête. Une bien belle journée. Deux filles de mon âge se sont approchées de moi. Elles m'ont dit qu'elles voulaient faire un petit jeu. Elles m'ont demandé de coller mes jambes l'une contre l'autre. Elles ont ri. J'étais confuse. La plus campée des deux m'a tout bonnement dit :

« Mon amie se trouvait grosse. Je voulais juste lui montrer de quoi une vraie grosse avait l'air. Merci! »

Cette petite phrase m'a donné la plus grosse des claques dans la face. Je venais de comprendre toute la violence de ce mot tabou. « Grosse », l'insulte suprême. Le mot dont on ne doit pas prononcer le nom. Avec mon importante prise de poids il y a quelques années, j'ai remarqué toute la négativité entourant ce petit mot. « Grosse » est synonyme de « malaise ».

Quand je disais que j'étais grosse, on me corrigeait sans cesse :
« Tu n'es pas grosse! Tu es voluptueuse/curvy/plantureuse/ronde… »

Ces qualificatifs me faisaient plaisir. Ils rassuraient en quelque sorte mes insécurités corporelles. Je n'étais pas grosse. Ce ne pouvait pas être possible.

Depuis quelques années, disons que j'ai un peu évolué dans ma réflexion sur la question. Ben oui, je suis grosse. Je pèse 240 livres. Mon corps est gros. Ce n'est pas moi qui s’apitoie sur mon sort. Pas moi qui fais du self-hate. C'est juste un fait. C'est juste un mot. Ça ne m'empêche pas de me trouver belle et désirable. Je veux donc transformer la signification négative de ce mot. Je ne suis pas une personne d'une valeur moindre si je suis grosse, même si c'est ce que The Biggest Loser voudrait que je crois!
 


Frances Cannon, une artiste qui se réapproprie à merveille les corps gros et la diversité corporelle
Crédit : Frances Cannon/Instagram

Comme je travaille avec des enfants, aka des êtres sans filtre, je reçois souvent des commentaires naïfs sur mon poids. Je vois le regard affolé de mes collègues devant ces mots. Je dédramatise le tout en disant que dans la vie, il y a des personnes plus minces et des personnes plus grosses et que c'est correct comme ça.

C'est un peu ce que j'aurais envie de dire à la société en général. S'il vous plaît, arrêtons de shamer les corps. Que l'on soit gros, mince, grand ou petit, on reste tous des humains uniques et fabuleux!

Est-ce que vous avez déjà choisi de vous réapproprier un mot qui avait une connotation négative?

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