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L’autre de la mode: chronique d’une « outsider ».

Si les éditeurs de la collection « pour les nuls» venaient à publier une édition sur la mode, je suis le genre de personne qui devrait s’€™en procurer un exemplaire et le lire d’€™un couvert à l’€™autre avec la plus grande attention. Quand on me parle de mode, j’ai généralement tendance à afficher un sourire niais et à essayer de faire dériver la conversation vers un sujet qui me désarçonne moins. La mode est pour moi une bête noire qui m’€™en veut de ne pas adhérer à ses dogmes. Je suis en perpétuel froid avec le style et il me le rend bien.

Chaque saison, j’appréhende la sortie sur le marché des nouvelles excentricités des designers hype de ce monde. Quand je fais ma séance trimestrielle de magasinage – parce que oui, pour être franche, c’est à peu près à cette fréquence-là que je vais faire les boutiques – plus souvent qu’autrement, je contemple les étalages et les mannequins d’un regard déconfit et vaguement perplexe. Je ne sais pas où regarder, par quoi commencer, je rouspète dans les cabines d’essayages pendant des heures, puis ça se solde inévitablement par un « Eh merde! Â» lancé haut et fort avant de passer à la caisse avec douze items noirs, à peu près identiques.

Autre constat: adopter l’anti-mode comme doctrine vestimentaire est loin d’être la formule gagnante. Soyons franc, on ne peut pas toutes être magiques comme Jean Seberg et faire en sorte que la mode nous colle à la peau malgré nos accoutrements d’enfant terrible. Non, chez le commun des mortels, il faut un minimum d’effort et de recherche pour être présentable. Corvée fatidique dans mon cas. Pourtant, malgré mon manque total de propension pour le fashion, je suis atteinte de ce qu’on pourrait appeler le « Syndrome de l’angoisse vestimentaire Â». Je m’explique À la limite, je me fous de ce dont je suis vêtue; du pourquoi, du comment et de tout le tralala, mais je demeure extrêmement scrupuleuse quant au fait d’être habillée de manière convenable, selon les circonstances. Imaginez le casse-tête! Les têtes à têtes entre moi et ma penderie sont rarement jojo lorsque vient le temps de m’habiller pour la peine. Généralement, j’y vais avec mon instinct. « Me semble que y’a ben du monde qui porte ça, ces temps-ci… Ouin… Ça devrait faire, d’abord… Â». Avouez qu’il n’y a rien de pire que de se sentir totalement incongrue, en public, à cause de son habillement! Alors la plupart du temps, je lâche un coup de fil à une de mes amies blogueuse mode (ha, ha!) et l’implore de me concocter un outfit convenable. Sinon, j’y vais dans le monochrome assez noir pour me fondre dans les murs; au cas où encore là, je me serais trompée!

Au-delà de mon expérience personnelle, je dois avouer que je ne m’intéresse pas à la mode également parce que les valeurs et la dynamique qui animent cette immense industrie m’effraient ou me rebutent carrément. Eh oui,  au risque de me faire lancer des talons de 15 pouces Alexander McQueen  par la tête par les fashionistas de ce monde, j’ai une sérieuse dent contre Karl Lagerfeld et je vois assez mal la pertinence de dépenser des sommes faramineuses pour des sacoches, même si elles sont fait main, en peau de licorne brodée d’or et assemblées par des ouvriers syndiqués et certifiés bio. Sérieusement, quand on me présente des robes dont le prix équivaut à un versement d’hypothèque, mon premier réflexe n’est pas d’applaudir mais de renchérir un truc du genre : « Ouin mais sais-tu ce qui se passe au Darfour, toi? Â» Okay, je suis lourde un peu. Et c’est pourquoi je vais ajouter un bémol ici. Je n’aime pas la mode parce que je n’y comprends rien, mais je suis capable de reconnaître son importance au sein des « grandes civilisations Â». Au-delà d’un ensemble d’impératifs esthétiques en constante évolution, la mode est également un miroir incroyable des mouvements sociaux en cours, ainsi qu’une méthode d’archivage historique dont il ne faudrait pas sous-estimer l’importance. Je veux dire; il y a une raison pourquoi, à un moment dans l’histoire, les femmes ont un jour troqué le corset pour le tailleur, et pourquoi Madame de Pompadour ne s’habillait pas comme Madonna pour séduire!

Comme autant d’indices anthropologiques, les vêtements parlent et nous racontent l’humanité, en coupe et en coutures. Rien que pour ça, j’accepte volontiers de me prêter au jeu et, rien que pour TPL, faire un tout petit effort d’observation pour parler mode, tous les vendredis!

Et ça, c’est ma tête ornée d’une gigantesque boucle pour faire semblant d’être coquette; des fois.

Photo: Juliette Leblanc

 

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