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La mode et le changement… ou pas!

Ces derniers temps, en arpentant les rues d’Outremont et du Mile-End, j’€™observe les Juifs hassidiques qui y déambulent, affairés au train-train de leur existence parallèle, et j’en suis venue à un constat (qui, en soi, peut paraître futile, mais qui en induira un autre un peu plus réfléchi par la suite). Invariablement, ils auront toujours l’€™air de la même chose. Les arrière-grands-parents ont le même look que les gamins, et leurs enfants auront à leur tour la même bouille et la même allure. C’est comme si la tradition avait figé toute évolution vestimentaire ou stylistique possible. La question ne semble pas se poser, en fait. Les mêmes commerces vendent sempiternellement les mêmes robes austères, les grands paletots, les chaussettes et les souliers cirés. Ça va de soi. Mais dans notre cas, on réfère à 2008 et on rit aux éclats du suranné de la chose. Imaginez s’il fallait qu’on calque encore les looks d’€™il y a trois siècles pour s’habiller, tsé! « Niiiice H&M a sorti ses ceintures fléchées d’été! Malade! Â» Mais pourtant, quand on y réfléchit bien, un changement aussi rapide et perpétuel dans le vêtement est une affaire strictement propre aux civilisations occidentales et/ou industrialisées. Au sein des sociétés traditionnelles ou tribales, « l’€™habit » est ordonné par le symbolique ou par des instances liées au mode de vie (climat, topographie, whatever). Je pense par exemple aux Touaregs qui portent le Taggelmoust (le fameux chech indigo), pour se parer contre le vent et le sable du Sahara central. L’€™habit est unanime et invariable depuis des siècles chez les Berbères; personne ne songe à le réinventer et on y accorde la même valeur au fil des années. Dans ce cas-ci, on parle d’un habillement vraiment utilitaire, donc on justifie plus facilement la « non-évolution » de celui-ci. Mais il existe d’€™autres cas où une certaine esthétique a été adoptée par un peuple et qu’€™elle demeure et ce de manière intemporelle. Généralement, cela se produit lorsque le vêtement ou l’€™objet est le fruit d’€™un travail artisanal minutieux et hautement élaboré. Dans de pareils cas, non-seulement les peuples qui l’adoptent conservent leur tradition vestimentaire sans ressentir le besoin de la renouveler à chaque saison (comme c’est le cas pour nous, Nord Américains et Européens). Un exemple patent de ce genre de phénomène, selon moi, est celui des Ikats, fameuses étoffes orientales aux motifs complexes et colorés, teintes avant d’€™être tissées. Ces splendides tissages font l’orgueil des artisans ouzbèques et est-asiatiques, et personne ne les considère dépassés. On applaudit plutôt la virtuosité du travail, et ce de par le monde. Entre vous et moi, à l’opposé, bien qu’on se targue d’être les champions du design vestimentaire, en Occident, qui se souviendra de la collection prêt-à-porter Emporio Armani automne/hiver 2011, dans 1500 ans? On se « pète les bretelles » avec l’€™éclectisme et le progrès de notre linge (pis des fois, sérieux, on a raison, j’avoue) mais au fond, on se fait planter solide par des artisans édentés des fins fond du Kazakhstan, par bouttes, mettons. Et on ne se gène pas non-plus pour aller piger dans ce savoir ancestral et artisanal pour s’inspirer. La preuve en est faite ici, et ce depuis mai 2011 (en tous cas en ce qui concerne les Ikats) : Et encore, on se rappelle qu’€™en février dernier, TPL faisait allusions aux imprimés style « ikaté» dans son post vidéo sur les imprimés imposants! Vlan! A fait full de liens pis toute, la fille! Bref, je ne suis pas en train de dénigrer le perpétuel changement qui marque nos habitudes vestimentaires et mode en général. Simplement, je constate à quel point cette dite évolution constante est propre à notre mode de vie ultra-industriel, et aurait probablement même à voir avec l’atomisation extrême des sociétés occidentales. Mais ça, c’est une autre histoire, pis c’est lourd pis toute. Fait qu’€™avant de me mettre à citer Roland Barthes, je vais finir ce post drette icitte.

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