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Les femmes autochtones disparues ou le génocide canadien
Crédit: Dulcey Lima/Unsplash

Ça fait un bon bout de temps que je m’intéresse au sort des communautés autochtones et que je suis mortifiée par l’injustice dans laquelle elles sont placées depuis la colonisation. D’ailleurs, dans l’entrevue réalisée en avril dernier, je me suis rappelée que ça faisait un méchant bout qu’on n’avait pas entendu parler de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Force est de constater que oui, ça a donné quelque chose parce que l’enquête vient tout juste de sortir. Les conclusions du rapport sont sans équivoque : on ne parle ni plus ni moins d’un génocide (terme non reconnu ni même prononcé par le gouvernement canadien au moment d’écrire ces lignes). Le génocide viserait tous les autochtones, mais particulièrement les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA. Des milliers d’entre elles.eux auraient disparu.e.s depuis les soixante dernières années.

« La Gendarmerie royale du Canada avait avancé le chiffre de 1 200 sur une période de trois décennies, mais l'Association des femmes autochtones du Canada l'évaluait à 4 000. » Le rapport n’a pas pu en arriver à un chiffre définitif puisque énormément de décès et de disparitions n’auraient jamais été enregistrés…

De la Côte-Nord à la métropole, les entrevues réalisées parlent de viols et d'agressions commis par des personnes en situation d’autorité, soit la police et l’Église. On rappelle également la (traumatisante) Loi sur les Indiens, le racisme, le sexisme, la souffrance des familles ayant été déplacées ou placées dans les pensionnats, violentées, traumatisées, arrachées de leurs enfants et choquées par un système patriarcal qui n’est pas le leur… Pour ne nommer que cela.

« On le dit dans le rapport : un génocide, ce n'est pas seulement la destruction immédiate d'un
peuple »
« Ça peut être aussi un génocide planifié à travers le temps, qui vise l'abolition ou la désintégration des institutions. On ne peut pas faire autrement que de dire que c'est exactement ce qui s'est passé avec les autochtones au Canada »

-L’ethnologue Isabelle Picard à La Presse

Sur 231 recommandations de l’enquête, on demande notamment l’implication des peuples autochtones sur la surveillance policière, la justice et la médiation, choses qui me semblent raisonnables et tout à fait normales. On ajoute également qu’il faut « intégrer au programme scolaire un volet d'enseignement sur les réalités autochtones historiques et contemporaines ». Je suis abasourdie de réaliser que ce n’est TOUJOURS PAS intégré dans le cursus scolaire. Y a tellement de choses à apprendre des peuples autochtones et ça m’attriste au plus haut point de voir à quel point ils sont ignorés.

Dans une vidéo, j’apprenais qu’aucune formation sur la réalité et l’histoire autochtone n’était donnée aux policiers. J’apprenais aussi qu’il y a proportionnellement 15 fois moins de policiers au Nunavik qu’il y en a à Montréal. Bref, l’accès aux services (en qualité ET en quantité) n’est juste pas comparable.

D’un autre côté, ce n’est pas vrai que one size fits all. Dans l’excellente vidéo de la commission, Renée Brassard (Directrice de l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval) s’insurge de retrouver la même recommandation, commission après commission, comme quoi nous devons sensibiliser les autochtones au système de justice. Il doit bien y avoir quelque chose qui ne fonctionne pas si on le répète continuellement sans que cela ne change… Elle explique :

« Nos repères linguistiques sont intrinsèquement reliés à la perception du monde qui nous entoure. Si y a des concepts dans notre langue qui n’existent pas ou dans notre vision du monde qui n’existent pas, ça ne fera jamais de sens. Un contre l’autre, les autochtones n’ont jamais compris ça. Nous, on veut le meilleur avocat et gagner absolument. Pourquoi sont-ils plus nombreux à plaider coupable? Parce que lorsqu’ils font quelque chose, ils le disent tout simplement, ils ne comprennent pas l’idée de mentir. En quelque sorte, la justice « accepte » que l’on mente (avoir le droit de s’inculper ou pas) mais pour les autochtones, ça ne fait aucun sens. »

WOW. Il va falloir comprendre un jour que la vérité des Blanc.he.s n’est pas la meilleure vérité, ni la vérité universelle.

Lundi, Justin Trudeau a promis d’éradiquer « le racisme, le sexisme et les inégalités économiques » des peuples autochtones. Espérons donc que la suite apporte réellement les changements requis. Parce qu’il serait temps que le Canada prenne concrètement action sur la discrimination systémique, sur les horreurs et erreurs commises, tout en impliquant les autochtones dans le processus et en modifiant massivement ses lois obsolètes – pour la réconciliation – si possible soit-elle.

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