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Jeune mariée, je suis tombée amoureuse d’une femme
Crédit: Unsplash

Si ça n’a pas été l’amour au premier regard à proprement parler parce que je la connaissais depuis trois mois au moment où c’est arrivé, je considère que c’est un coup de foudre. Parce que l’amour véritable m’a frappée du jour au lendemain. Un matin je me suis levée avec le sentiment que je ne pourrais plus jamais me passer d’elle. Merveilleux n’est-ce pas? Sauf que pour donner une chance à cet amour, il m’a fallu surmonter de nombreux obstacles, et pas des moindres. Elle était une femme, elle était ma stagiaire, et surtout… j’étais mariée.

Je venais de passer la moitié de ma vie avec l’homme que j’avais épousé deux ans plus tôt. À à peine 14 ans, il avait été l’autre coup de foudre, le premier. Jusqu’à ces événements, nous étions inséparables : il était le seul et l’unique, mon meilleur ami, mon coéquipier, mon confident. Pour beaucoup de personnes, nous incarnions un modèle de stabilité, de fidélité et d’amour. Le couple parfait.

Le jour où tout a basculé : le choc amoureux
Un vendredi matin du mois de mars, je me suis réveillée avec une boule au ventre, faisant l’effet d’un vide et d’un poids en même temps. C’était à la fois douloureux et délicieux. Je n’avais plus d’appétit. Je n’arrêtais pas de penser à elle… « Et merde! ». Je reconnaissais ce truc. Non, c’était impossible, je ne pouvais, je ne voulais pas l’admettre. J’angoissais à l’idée de ce que ça pouvait être. Les conséquences désastreuses que cela aurait sur ma petite vie bien rangée.

Incapable de porter seule ce poids plus longtemps, il fallait que j’en parle… Je décidais de me confier à une de mes collègues et amie. Et, à l’instar de la boule dans mon ventre, j’étais mi-excitée, mi-paniquée. J’avais du mal à prononcer ces mots, mais je lui lâchais un truc du genre : « Il se passe quelque chose avec S**. Je ne sais pas quoi, mais quand elle n’est pas là, elle me manque. » J’étais terrorisée par ce que je ressentais pour elle.

Eh oui… Cela faisait maintenant plusieurs semaines qu’on n’arrêtait pas de rire ensemble. Plus je passais du temps avec elle, plus j’aimais la personne que je découvrais. Elle était drôle, intelligente, fine, et d’une générosité sans limite. J’aimais son espièglerie et sa capacité à « donner » au sens large : donner de sa bonne humeur, donner de son temps pour parler, donner des mots sincères et bienveillants sans chichi ni détour. On se racontait nos vies parfois pendant des heures, je trouvais dans son parcours des résonances avec ma propre vie… La sienne n’avait pas toujours été facile, et malgré cela, elle irradiait la joie de vivre avec son rire bruyant et communicatif.

Depuis quelques jours maintenant, nous avions commencé un petit jeu de séduction. J’arrivais le matin au travail, elle m’attendait avec le petit déjeuner. Nous couvrions nos bureaux respectifs de post-it gentils, partagions nos playlists musicales. C’était la course à la petite attention. Je flirtais sans en avoir vraiment conscience, sans prendre garde. Parfois, il arrivait pourtant que je m’en rende compte, que je me dise « ça va trop loin » : quand elle venait à mon bureau par-derrière, qu’elle posait son nez sur ma tête et qu’elle respirait mes cheveux « parce qu’ils sentaient bon » . Ou la fois où j’ai eu l’envie irrépressible de lui faire un cadeau, je lui ai alors acheté, sans raison apparente, une coque pour son téléphone à l’effigie de son chanteur préféré. La vérité, c’est que je ne mettais aucune barrière : je n’en avais nul besoin, « c’est une fille! », je pensais bêtement. Ce qu’il se passait en réalité, c’est que je me mentais à moi-même pour ne pas avoir à repousser ces délicieux sentiments naissants. Petit à petit, je me surprenais à aller au boulot de bon cœur. Je commençais à ne plus autant apprécier les week-ends et à attendre le lundi avec impatience. Moi qui, encore un mois plus tôt, trépignait d’impatience que sonnent les 18h pour filer chez moi et retrouver ma maison, mon chien, mon mari et mon confort de propriétaire.

Désormais j’étais parcouru de frissons dès les premières notes du réveil. J’étais ravie de prendre le métro pour aller au bureau. Quand elle était là, je me sentais bien. Et surtout, ses absences me pesaient.

L’heure était grave. Je m’interdisais de ressentir ça : j’étais mariée, j’aimais ma vie, j’aimais mon mari, il n’était pas question que je perde mon monde, ce que j’aimais et que j’avais mis tant d’années à construire. Ma collègue me conseillait alors de lui parler pour mettre vite les choses au clair. Je décidais de la voir le soir même.

Je lui donnais rendez-vous à Montparnasse. Elle ne se doutait de rien. On était censées se faire un ciné. Dès que je l’ai vue débouler, mon cœur s’est accéléré, j’ai eu un sourire niais et lorsque je l’ai prise dans mes bras en guise de bonjour, j’ai respiré ses beaux cheveux bouclés… j’étais au paradis!

Je lui proposais un verre avant d’aller voir le film. On s’est assises à la terrasse d’une brasserie, il faisait particulièrement doux en ce soir de mars. J’étais super tendue, elle le semblait aussi. Je lui annonçais directement : « Tu sais qu’on n’ira pas au ciné ce soir ? » Elle éclatait de rire. « Pourquoi donc? », « Parce qu’il faut qu’on parle, il se passe un truc bizarre. »

J’ai tout de suite senti qu’un poids en elle se libérait, elle se mit à parler plusieurs minutes sans s’arrêter. Elle ressentait exactement la même chose! Je lui manquais quand on n’était pas ensemble, ses sentiments pour moi la surprenaient autant que moi : elle m’appréciait de plus en plus et ça ne ressemblait pas à de l’amitié, c’était beaucoup plus puissant. Je me livrais à mon tour, nous nous tenions les mains en tremblant. J’avais de nouveau 15 ans. J’étais émerveillée.

Quand je me remémore ce moment aujourd’hui, que je me concentre sur mes souvenirs, j’arrive encore à ressentir l’extase, l’euphorie béate de ces instants suspendus. Leur rareté dans une vie les rend encore plus délicieux. Comme une gourmandise que je m’accorde, je les repasse dans ma tête et je sens alors un peu la chaleur au ventre que j’avais ressentie ce soir-là. Des moments comme celui-ci, il y en aura d’autres. Et il y en aura des plus douloureux aussi.

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