Aller au contenu
La grève des stages, loin d’être un caprice
Crédit: Rob Walsh/Unsplash

Si vous n’étiez pas déjà au courant, cette semaine c’est la grève dans de nombreuses facultés universitaires et CÉGEP. Bien que je ne sois plus étudiante à temps plein, le sujet de revendication me touche particulièrement, en effet, il s’agit de la rémunération de tous les stages. L’an dernier, après de nombreuses années de revendications les stagiaires finissant.e.s en enseignement ont obtenu gain de cause et leur stage final sera désormais rémunéré. J’en suis vraiment contente même si je n’aurai pas la chance d’en profiter, ayant complété mon dernier stage l’an dernier (l’art du mauvais timing).

J’ai étudié en enseignement et donc je suis passée par ces quatre stages et il était grand temps qu’ils soient reconnus. Cependant, la lutte n’est clairement pas terminée puisque les stagiaires en enseignement sont loin d’être les seul.e.s à effectuer de nombreuses heures de travail gratuit qui mériterait d’être compensé. Avant d’étudier en enseignement, j’ai complété un DEC en travail social où j’ai également eu à compléter trois stages, non rémunérés. S’il y a quelque temps Annie-Claude faisait valoir ses arguments en faveur de la rémunération des stages en éducation, pour ma part je veux vous expliquer pourquoi tous les stages devraient être rémunérés.

Si vous savez bien compter, vous aurez compris que dans mes 8 ans d’études post-secondaires, j’ai effectué 7 stages, d’intensité et de durée variable. Je pense donc avoir un mot ou deux à dire sur le sujet. Souvent lorsqu’on pense à la rémunération des stages, on pense à la lourdeur de la tâche en stage pour déterminer si ce dernier mérite d’être rémunéré, c’est un argument qui fut évoqué à de multiples reprises par les stagiaires en enseignement.

Bien que je sois d’accord, il m’importe de rappeler qu’un stage c’est lourd, difficile et éprouvant, peu importe les tâches que l’on effectue. Quand on est en stage, on travaille à temps plein pendant souvent quelques mois, mais en plus, nous avons des comptes à rendre à notre superviseur.e universitaire, des travaux reliés aux stages et également bien souvent d’autres cours de notre cursus qui ne sont pas en lien. En enseignement, nous avions des sessions condensées avant nos stages, si bien que nous devions réussir une session complète en 8 semaines (à raison de deux cours par semaine par notion, donc souvent on se trouvait avec des semaines de 6 à 8 cours universitaires) avant de partir en stage. Je commençais mes stages déjà à bout de souffle, venant tout juste de terminer un marathon académique et devoir déjà en surmonter un deuxième d'une tout autre nature. Pas l'idéal, mettons.

Quand on est en stage, on est constamment sous la loupe, sous le regard, on doit fournir notre 100% en tout temps, ce qui est épuisant et stressant, bien qu’enrichissant. Il faut bien souvent se présenter comme si nos fins de semaine à occuper un emploi étudiant ou nos soirées à peaufiner nos travaux n’existaient pas. Et ça c’est la réalité pour tous les stagiaires, que le stage demande une grande prise en charge ou pas, parce que peu importe où nous en sommes dans notre parcours, la prise en charge demandée demeure un défi, une épreuve et n’est pas forcément plus facile lors d’un premier stage.

Je me souviens m’être présentée en stage terriblement malade, épuisée. Je me souviens rentrer chez moi et dormir de mon arrivée au lendemain matin et y retourner quand même, parce qu’on n’a pas vraiment le choix si on veut terminer à temps. Je me souviens de crises de larmes, craquant sous la pression et la fatigue. À ces moments, bien sûr que je n’étais pas aussi disponible, bien sûr que je n'apprenais pas aussi bien mon futur métier que je ne l’aurais fait si je n’avais eu qu’à me consacrer à ce stage sans devoir jongler entre ma job étudiante, mes travaux et ma totale absence de vie sociale.

Je le sais puisque pour mon dernier stage, j’ai eu la chance de ne pas avoir à travailler en même temps, et ce pour la première fois. Même si ce stage était beaucoup plus exigeant, je l’ai mieux vécu. J’étais présente et en forme, disposée à me former pour devenir une meilleure enseignante, une meilleure professionnelle.

Et je pense que ça, non seulement chaque stagiaire le mérite, mais nous le méritons tou.te.s. Nous méritons mieux. Nous méritons que nos futurs professionnel.le.s du domaine public aient la chance d’apprendre en paix, en étant disponibles et qu’une fois sur le marché du travail, ils soient plus compétent.e.s, plus confiants en leurs capacités. D'ailleurs, je tiens à rappeler que la majorité du travail gratuit est requis dans les domaines touchant la relation d'aide, des domaines encore trop occupés par des femmes et encore trop peu valorisés.

Je parle du domaine public, car je comprends que pour les entreprises privées, les enjeux sont un peu différents.  Mais pour moi, il est impensable qu’un gouvernement n’investisse pas dans la formation initiale de ses futur.e.s employé.e.s, et ce pour le bien commun.

Plus de contenu