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Les maisons des jeunes : démystifions ces organismes très importants
Crédit: Denis Cardoso/Unsplash

Automne 2015, je commence ma technique en Intervention en délinquance. Je ne connais presque rien du monde de l'intervention, je ne sais pas quel milieu m'intéressera, ou même quelle clientèle. Pourtant, mon amie, déjà dans le domaine, m'a fait assez confiance pour suggérer à sa patronne de m'engager à la maison des jeunes près de chez moi. Automne 2018, j'ai terminé ma technique en mai, et j'y travaille toujours.

Pourtant, j'ai vécu de grandes déceptions dans mon milieu de travail, je suis payée à peine plus que le salaire minimum, j'ai vu passer beaucoup trop de patrons en trois ans, et on vit en ce moment un creux assez intense dans la fréquentation.

Alors, qu'est-ce qui me retient?
Je me suis profondément attachée aux milieux de vie que sont les maisons des jeunes. Premièrement, les 12-17 ans sont la clientèle que j'aime le plus. Je trouve les ados tellement beaux et belles et intéressant.e.s, même quand ils m'envoient chier, sont vulgaires ou qu'ils manquent de maturité dans leurs réflexions. Deuxièmement, j'adore le fait que les interventions soient informelles, qu'il n'y ait pas de « marche à suivre » ou de sujet tabous à la MDJ. J'aime la diversité des interventions (parce qu'on en voit vraiment de toutes les couleurs), les rires qu'on partage avec les jeunes autant que les confidences, revoir des ados qui ne fréquentent plus la MDJ mais viennent de temps en temps nous donner des nouvelles vite vite, parce que c'est là que je me rends compte qu'on a un réel impact sur eux.

À la maison des jeunes, lors des soirées de semaine normales, les jeunes font la même chose qu'à la maison: ils chillent sur leur téléphone ou sur l'ordinateur, ils jouent aux jeux vidéo, jasent avec nous et entre eux, se font à manger parfois, etc. La différence, c'est que certain.e.s ont envie de prendre l'air et sortir de leur maison, de temps en temps, et c'est ce qu'on leur offre. Souvent, ils seront plus à l'aise de se confier à nous et notre rôle n'est pas d'être moralisateurs ou de les chicaner. Nous ne sommes pas des intervenants de l'école non plus. Nous sommes là pour les écouter, faire de la prévention et de la sensibilisation, et leur offrir un milieu dans lequel ils peuvent rencontrer leurs amis sans niaiser dans les rues, mais sans le regard constant de leurs parents.

Et les préjugés, dans tout ça?
Le préjugé le plus faux, le plus durable et celui qui convainc le plus les parents d'empêcher leurs ados de fréquenter la MDJ, c'est la maudite consommation. L'image que plusieurs personnes ont des maisons des jeunes, c'est un endroit où plein d'ados sont assis en rond et fument du pot et sniffent de la coke comme si de rien n'était. On voit ces endroits comme des rassemblements de consommateurs, qui sont encouragés à laisser libre cours à leur envie de prendre de la drogue. C'EST TOTALEMENT FAUX! Même des personnes dans le domaine de l'intervention m'ont confié avoir ce portrait en tête lorsqu'il est question des MDJ, et ne pas vouloir que leurs propres enfants les fréquentent.

Ça m'a renversée. Les maisons des jeunes sont presque toutes tolérance zéro, ce qui signifie qu'aucune consommation et aucune personne avec les facultés affaiblies par quoi que ce soit (même les boissons énergisantes!) n'est tolérée. Les jeunes sont bien sûr invités à nous parler de leur consommation, puisque nous sommes des intervenants formés en toxicomanie et en prévention, et que nous pouvons faire une réelle différence dans leur vie. Quelques maisons des jeunes commencent à adopter une philosophie de « réduction des méfaits », et je dois avouer que je préfère cette idéologie à la tolérance zéro. D'abord, aujourd'hui, tous les intervenants sont formés en ce sens. De plus, je préfère de loin qu'un jeune en consommation nous fasse assez confiance pour venir nous jaser lorsqu'il est gelé et qu'il soit sous notre supervision, plutôt que dans la rue ou dans le bois. Évidemment, même en réduction des méfaits, personne n'a le droit de consommer sur place et la consommation ne sera JAMAIS encouragée par les intervenant.e.s.

Un autre préjugé durable, c'est que le travail en maison des jeunes n'est pas vraiment important, difficile ou à prendre au sérieux. Pourtant, il faut absolument avoir une formation en intervention pour y travailler (ou du moins, être aux études dans le domaine) et les interventions et prévention sont constantes. Comme je le disais plus tôt, il faut être prêt à intervenir sur à peu près tous les sujets possibles, à parfois faire des signalements à la DPJ, à faire preuve d'autorité autant que de jouer avec les jeunes, etc. Plusieurs personnes m'ont demandé, depuis que je travaille à la maison des jeunes, si je suis payée. C'est pourtant un réel travail qui peut être très exigeant et qui demande des connaissances seulement acquises aux études post-secondaires.

Oui, j'adore mon travail, mais non, je ne le ferais pas bénévolement. C'est comme demander à un artiste de faire tous ces contrats gratuitement. Ça n'a pas de sens. Et si je n'étais pas payée, je ne pourrais travailler de soir avec une clientèle qui peut être difficile, d'assister aux nombreuses réunions d'équipe, de prendre autant de temps à organiser de nombreuses activités qui plairont aux jeunes et du financement qui leur permet de réaliser ces activités, à faire de la paperasse et tâches connexes, comme des affiches ou des demandes de commandite, etc. Non, je ne suis pas payée cher, mais il faut se souvenir qu'il s'agit de ressources communautaires qui vivent au fil des subventions. 

En fait, je trouve que les maisons des jeunes sont des milieux de vie plus que nécessaires dans chaque communauté, mais qu'elles ne sont vraiment pas assez connues. Je crois vraiment que l'adolescence est une période difficile et tellement singulière, durant laquelle il est important de développer ses passions et intérêts, et être guidés dans les premières fois et autres tracas.

Parents, envoyez votre ado à la MDJ. Il se fera des amis, il apprendra plein de choses en cuisinant ou en participant aux activités de financement, par exemple, et surtout, il créera des liens avec des intervenants formés, qui pourront peut-être l'aider là où de votre côté, vous êtes dépassés.

Êtes-vous déjà allés à la maison des jeunes de votre quartier lorsque vous étiez ados?  

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