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J’ai un sens de l’humour méchant
Crédit: Shannon Litt/ Unsplash

Alors que je n’étais qu’une adolescente, j’ai découvert assez rapidement que l’humour était pour moi une béquille efficace. Pour essayer de faire passer des messages, pour me démarquer dans un groupe, pour me protéger, ou parce que je n’avais rien à dire. J’ai également découvert que l’humour le plus efficace était celui qui ciblait les autres.

Je ne parle pas ici de blagues à caractère raciste, homophobe, grossophobe ou même violente, pas du tout; je parle d’un humour qui cible les particularités ou les faiblesses des gens que j’aime. Et c’est là l’horreur : des gens que j’aime. Je ris des gens que j’aime en leur pointant du doigt leurs particularités: leurs tics de langage, leurs expressions faciales, leurs traits de personnalité. Et ça, maintenant que je l’écris, c’est un peu dégueulasse. Sauf que dans le concret, quand ça arrive, ça fait rire les autres. Ça rallie parce que des fois, c’est un peu vrai, et que je suis la fille qui transforme le tout en blagues. Sauf que dans le concret, au jour le jour, ça peut aussi blesser.

Je n’écris pas ces lignes pour me déculpabiliser, mais bien parce que j’aspire à évoluer comme être humain. J’écris parce que parfois, de le voir noir sur blanc permet de mieux le comprendre. Je réalise que lorsque je suis dans une relation de confiance, j’oublie rapidement le décorum et ma délicatesse prend souvent le bord. Je bâtis donc mes relations à coup de franchise et de blagues déplacées, sans réaliser que certaines personnes n’ont pas du tout envie de ce genre de dynamique.

Je réalise aussi en le disant que je trouve les personnes offusquées un peu ridicules, parce que « franchement, ce n’est que de l’humour et de toute façon, je suis comme ça alors endure! » Mais surtout, je réalise que lorsque ce type de blague est dirigé vers moi (parce que je suis loin d’être la seule personne cinglante dans mon entourage), il arrive que ça me trotte dans la tête pendant plusieurs jours. Ma logique comprend qu’il ne s’agissait que d’une blague, mais mon cerveau ne fait que se repasser en boucle toutes les fois où j’ai pu parler d’une certaine façon ou fait des mimiques faciales, en me demandant si vraiment il s’agit de quelque chose de risible.

Et pourtant, avant aujourd’hui, je n’avais jamais fait le lien. Je n’avais jamais remarqué que je suis la première qui, lorsqu’elle est la cible de blagues anodines, les transforme dans sa tête en insulte suprême et en fait une obsession. Dis-moi que je pue juste une fois en joke et je te jure que chaque fois que je vais te voir, je vais me sentir à chaque minute (et fort probablement suer davantage par crainte de puer). Dis-moi que je répète toujours la même expression et je risque de marcher sur des oeufs lorsque je serai en ta présence, de crainte de la redire encore.

Mais dis-le-moi aussi si je te blesse et sache que je tente d’intégrer de la douceur dans mes paroles. Que c’est un effort que je vais faire de manière sérieuse parce que malgré mes blagues douteuses, je les aime pour vrai mes ami.e.s.

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