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La fois où un pharmacien m’a « fat-shamée »
Crédit: lingvstv.com/doodles

« Madame, veuillez me suivre dans le bureau derrière s’il vous plaît » C’est la première phrase que m’a dite le pharmacien après que j’aie demandé avec tellement de gêne la pilule du lendemain au comptoir. Je m'en souviens comme si c’était hier. J’étais tellement stressée. D’abord, c’était un mélange tellement intense d’émotions diverses et de questions plus inquiétantes les unes que les autres… « Est-ce que je suis enceinte ?» « Est-ce que je vais me faire juger et la personne derrière le comptoir va penser de moi que j’ai une sexualité vraiment pas saine ou mal calculée…? » J’avais peur du jugement des autres, mais vraiment juste par rapport à ma sexualité. Ce qui m’attendait comme jugement, je ne l’avais vraiment pas vu venir.

Donc, j’entre dans ledit bureau en pensant que mes parents vont être là à me dire que je fais de mauvais choix ,ou que genre le directeur de mon école primaire va me chicaner. Finalement, le pharmacien me regarde bien droit dans les yeux et me dit : « Madame Doré, la pilule du lendemain qu’on donne habituellement, on ne peut pas vous la donner à vous à cause de votre poids ». Ça ou une claque dans la face, c’est un peu au même niveau à ce moment-là, je vous dirais. Alors, pas trop certaine du malaise que je suis en train de vivre je demande : « Pardon !!!? » Il m’a alors répété que j’étais TROP GROSSE pour prendre la pilule NORMALE. Les mots utilisés, déjà, étaient vraiment difficiles à entendre, mais là, avec son ton et son attitude je me sentais jugée à un tout autre niveau. En effet, le problème, maintenant, ce n’était plus ma sexualité fofolle, mais bien mon poids. Devant le peu de mots sortant de ma bouche, c’est-à-dire aucun, il a cru bon de rajouter une autre petite claque : « Les assurances ne couvrent pas celle que je dois vous donner, vous allez devoir la payer. » Moi et mon salaire minimum on était d’autant plus contents.

Crédit : Giphy

Alors là, je vous explique l’espèce de cocktail de sentiments qui m’habitait à ce moment-là. J’ai un droit qui n’est pas donné à tous et je reconnais ce privilège. J’ai droit à un moyen de contraception d‘urgence et même si je suis gênée de l’utiliser parce que parfois, j’aurais voulu mieux faire mes choix, je sais que c’est quand même un DROIT que j’ai au Québec. Là, on me dit que j’y ai droit, oui, mais à un certain prix en raison de mon surplus de poids. Savez-vous à quel point c’est difficile ça sur l’estime de soi? Sur le moral? Sur ce sentiment de honte déjà présent et là qui s’amplifie encore plus?

Ça a été vraiment difficile pour moi de vivre ce moment-là et je trouve que c’est quelque chose de peu connu des gens et c’est important d’en parler. Je me suis sentie « fat-shamée » par un pharmacien. Je tiens à préciser ici que ce n’est pas sa décision, c’est le système qui en a décidé ainsi, mais qu’il y a tout de même une façon de dire les choses sans jugement et dans la bienveillance. Je comprends parfaitement son propos, mais pas le regard plein de jugement qui vient avec. On a encore du travail à faire là-dessus!

Si j’ai écrit cet article, c’est que je me suis remémoré cette expérience pénible en écoutant un épisode de Shrill, une série par Lindy West diffusée sur Hulu. Dès le premier épisode, on traite de l’avortement, de la pilule du lendemain et de ce que peuvent vivre les grosses personnes quant à ce sujet. Ça vaut vraiment le détour comme série, je vous la conseille fortement!

Crédit : Teen vogue
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