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Pourquoi je suis restée amie avec mon agresseur pendant des années
Crédit: Sean Witzke/Unsplash

« Franchement, elle avait juste à dire non. Elle avait juste à le frapper, à se débattre. Si elle s’est laissée faire, c’est qu’au fond, elle en avait envie. »
 
Après avoir lu toutes ces phrases horribles dans les médias cette semaine, je ne peux pas m’empêcher de réagir. Je ne suis pas du tout une spécialiste sur le sujet, mais permettez-moi de vulgariser un peu pour les besoins de la cause.
 
Lors d’une situation traumatisante, il se produit un phénomène appelé sidération. En gros, un stress extrême peut représenter un danger pour le corps, comme des risques de crise cardiaque ou de dommages neurologiques. C’est donc dans une réaction de protection que le cerveau nous déconnecte de notre ressenti.
 
On perd momentanément notre raison, notre logique, notre jugement, nos émotions. On ne sent plus rien, physiquement et émotionnellement.  Il ne reste plus qu’un énorme vide. Et quand on revient à nous, le mal est fait…
 
Vous comprendrez que dans ces circonstances, on ne se dit pas : « Oh mon dieu, je suis en train de subir une agression sexuelle, c’est inacceptable! Vite, je vais me débattre et me sauver de ce dangereux prédateur! »
 
C’est pourquoi je n’ai rien dit quand il a passé un bras autour de mes épaules et qu’il a enfoncé le goulot de sa bouteille dans ma bouche pour me faire boire encore plus. J’étais déjà complètement saoule. J’avais 15 ans.
 
Je n’ai rien dit quand il m’a prise dans ses bras en me disant de me détendre. Je n’ai rien dit quand il a commencé à me flatter et à me masser les épaules. Ni quand ses mains se sont retrouvées partout sur mon corps, sous mon chandail, sur mes seins.
 
J’ai figé. Vide total. En quelque part, je savais que c’était grave, mais pour l’instant, je ne ressentais absolument rien. Je savais aussi que j’allais devoir gérer tout ça plus tard. Je suis partie dormir chez une amie et aux petites heures du matin, je me suis réveillée en proie à la pire crise d’angoisse de toute mon existence.
 
Je me suis levée en catastrophe en allumant la lumière et en baragouinant des affaires incompréhensibles. Puis je suis montée pour aller subir l’attaque dans un fauteuil du salon. Je shakais de partout et j’avais envie de vomir.
 
J’ai shaké jusqu’au bout de mon énergie avant de me rendormir d’épuisement, assise dans le fauteuil, sale jusqu’au plus profond de mon corps et aux prises avec l’envie d’arracher toute ma peau. Je me suis réveillée confuse, courbaturée et avec l’envie de mourir.
 
Je suis restée amie avec mon agresseur parce que je sentais que c’était de ma faute, parce que je m’étais laissé faire, parce qu’il était trop saoul pour se rappeler de quoi que ce soit, parce qu’on me disait que j’étais pas gentille avec.
 
Je m’invalidais, je minimisais ce que j’avais vécu, je me disais que c’était pas si pire, mais surtout, je ne voulais pas dealer avec ce qui était arrivé. Y’en a pas de problème. On est les premières à se le faire croire.
 
Et puisqu’il n’y a pas de problème, pourquoi m’empêcherais-je d’inviter untel à mon émission, de lui faire la bise? Exemple tout à fait aléatoire sans aucun lien avec un certain torchon publié par une certaine Sophie, pour ne pas la nommer (hum hum).
 
C’est pour ça que ça peut prendre du temps à sortir une personne de notre vie quand elle nous a fait du mal. Parce qu’on ne le sait pas nécessairement tout de suite.
 
Aujourd’hui, je sais qu’il m’a saoulée pour abuser de moi, qu’il a profité du fait que j’étais complètement passed out.
 
Merci de nous croire quand on dit qu’on s’est fait agresser. Même si on ne s’est pas débattues, même si on a reparlé à notre agresseur par la suite.

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