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Le droit d’exister

Auteur: Marie-Pier Séguin
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Le droit d’exister
Crédit: Pezibear/Pixabay

L’année 2014 a été une année plus que difficile. J’ai reçu mon diagnostic de TAG aka trouble d’anxiété généralisée ajouté à un trouble obsessif compulsif (le gros kit). J’ai perdu mes jumeaux identiques et mon (ex) conjoint des trois dernières années. Il m’a quittée deux semaines après le départ prématuré de nos bébés. La pente qui mène à la dépression, je sentais que je commençais à la descendre. Encore. L’envie de disparaître était plus présente que jamais.

Je voulais à tout prix éviter d’être hospitalisée, comme je l’avais été en 2012. Je voulais éviter une autre crise suicidaire. Pour ma famille, mes proches, mais surtout pour mon fils. J’avais envie de me battre cette fois. C’est à ce moment que j’ai entendu parler du CRAM (Centre de relations d'aide de Montréal) via une de mes bonnes amies. Elle suivait son cours pour devenir thérapeute en relation d’aide. Et elle m’a introduite à la thérapie qui allait changer ma vie.
 
L’approche non directrice créatrice (ANDC), c’est le nom de la thérapie. C’est une approche relationnelle qui aide à développer l’amour et la confiance en soi. Je ne savais presque rien sur cette approche quand je me suis inscrite. Tout s’est passé très vite à partir de ce moment. J’ai demandé à avoir un thérapeute homme : je voulais m’aider à confronter mes plus grandes blessures, reliées aux hommes entre autres. Puis j’ai commencé les séances en décembre 2014.

Je ne m’attendais pas à ce genre de thérapie. Celle où la personne devant toi ne parle pas. Ou très peu. Il ne donnait pas son opinion, ne donnait pas de conseil. Il ne me disait jamais comment penser. Et surtout pas comment je devais me sentir. Ça peut être étrange au premier regard. Mais pour moi qui me suis toujours fiée à tout le monde autour pour penser, parler et m’exprimer, j’ai appris la chose la plus difficile de ma vie : EXISTER.

Pendant six mois, un soir par semaine, j’ai appris à trouver et prendre cette place que je n’ai jamais su prendre dans la vie. J’ai eu des séances où j’ai pleuré pendant l’heure complète. D’autres où je criais ma colère. Et certaines où je n’avais tout simplement pas envie de parler. Et vous savez quoi? C’était correct. Parce que cette heure-là, elle m’appartenait. Juste à moi. J’ai repassé des épreuves de ma vie : mon agression sexuelle à l’âge de 11 ans. Mon intimidation à l’école, mais aussi celle que je vivais depuis 3 ans par les amis de mon ex. Ma relation avec mon père. Les abus par les hommes avec qui j’ai été en relation. Mon rôle de mère. Mon mal de vivre. Rien n’a été laissé pour contre.
 
Et peu à peu, j’ai commencé à voir clair. J’ai (enfin!) réalisé que je n’étais pas responsable de tout ce qui m’était arrivé dans le passé. Si c’est vrai que je suis responsable de mes choix, il y a des choses que je n’ai pas choisies. J’ai compris que je devais cesser de me blâmer pour les actes des autres. J’ai appris à pardonner ceux qui m’ont fait du mal. Mais plus difficile encore : me pardonner moi.
Avec ce cheminement, j’ai vraiment pris conscience que j’avais passé les quinze dernières années de ma vie à m’effacer et à ne me donner aucune importance. Tout ce que j’avais d’amour, d’admiration, name it, je le donnais à tout le monde, sauf à moi. De là partait mon si grand besoin d’être aimée des autres. J’étais incapable de m’aimer, tout simplement. Si j’avais toujours ressenti que je n’avais pas ma place dans cette vie, c’est que je ne me laissais pas la chance de la prendre.

Cette thérapie m’a fait connaître ma valeur, mon importance. Je ne marche plus la tête basse. Je m’exprime, je prends ma place. J’ai éloigné de moi les gens qui me demandaient de changer plutôt que de m’accepter telle que je suis. Je ne me laisse plus rabaisser. Et surtout, je continue de cheminer. J’essaie de devenir la meilleure version de moi-même, un peu plus chaque jour. Je n’ai plus honte de mon vécu, de qui je suis. J’aime la personne que je suis devenue.

Et chaque jour, depuis juin 2015, il y a une chose qui est claire dans ma tête : s’il y a un endroit où j’ai ma place, c’est bien ici, dans cette vie. 
 

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