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Le racisme que j’ai subi m’a fait développer un choc post-traumatique
Crédit: Anthony Tran/Unsplash

Avec tout ce qui se passe aux États-Unis concernant le mouvement Black Lives Matter, je me suis mise à réfléchir encore plus profondément sur le racisme et ma propre expérience quand j’étais petite. Je n’insisterais jamais assez sur le fait que l’intimidation et la discrimination, peu importe leur forme, sont des actes qui détruisent des vies.

Je suis née en Thaïlande et j’ai grandi au Québec à la campagne, car j’ai été adoptée. J’étais la seule asiatique de mon école et dès le premier jour, j’ai rencontré des problèmes avec une élève en particulier. Elle s’est attaquée à tout ce qu’elle pouvait trouver d’ignoble chez moi (mes yeux trop bridés, mon nez « aplati », mon trouble du langage, etc.), bref tout ce sur quoi je ne pouvais pas avoir de contrôle. Mon primaire a été un enfer. J’ai toujours été rejetée par la plupart des élèves. J’étais la dernière à être choisie dans les cours d’éducation physique et je savais que c’était la honte pour un enfant s’il était associé à moi. Cela m’a rendue, comme on disait à l’époque, « sauvage ». Mais posez-vous la question : si vous êtes constamment attaqué pour absolument aucune raison, que le seul fait de respirer dérange vos collègues et que vous vous faites rabrouer sur tout, comment réagiriez-vous? Si on ajoute le fait que l’enfance est le moment de la vie où l’on apprend à communiquer avec des gens à l’extérieur de notre nid familial, je pourrais dire que j’ai échoué cet apprentissage…

Maintenant adulte, je vois ce que le racisme m’a coûté et les défis qui m’attendent toujours malgré les années de thérapie. De telles microagressions vécues respectivement tous les jours pendant tout le primaire et une bonne partie de l’adolescence laissent des marques dans le cerveau. Et je sais que je ne suis pas la seule qui a vécu, vit et vivra cela. 

Encore aujourd’hui, après presque 10 ans à être majeure, mon passé me hante encore. Une des raisons pourquoi j’ai de la misère à poursuivre des études universitaires, c’est parce que mon primaire et mon secondaire m’ont volé le peu de confiance que j’ai en moi. Je me souviens encore de cette enseignante de 6e année qui m’avait dit que je n’étais bonne que pour une école qui accueille des élèves en grande difficulté (merci à mes parents qui ont toujours cru en moi et qui se sont battus pour que j’aie l’éducation que je méritais). Malheureusement, j’ai de la misère à suivre plus de 3 cours à l’université (surtout quand ils sont en présentiels), car les effets de mon choc post-traumatique me hantent toujours. J’ai littéralement l’impression d’être une personne stupide, sans avenir. Je crois que la plupart des gens avec qui j’ai travaillé et ceux avec qui je travaille présentement m’aident à me faire grandir. Ils ont une assez grande ouverte d’esprit pour ne pas juger les gens que par leur apparence. Je me souviens d’une collègue qui a dû quitter mon lieu de travail par cause de blessure. Cette femme m’a vraiment aidé à me mieux comprendre. Elle n’avait pas les mêmes enjeux que moi, mais on réussissait à connecter d’une certaine manière.

Bref, le message que je veux apporter ici, c’est de ne pas banaliser les commentaires déplacés en tout genre chez quelqu’un qu’on n’apprécie pas. On ne connaît jamais l’histoire complète d’une personne. Beaucoup de gens pourraient dire que j’étais sauvage (je m’améliore), mais s’ils avaient creusé un peu plus, ils auraient peut-être vu le vrai être humain que je suis. On ne peut pas aimer tout le monde. La solution que j’ai trouvée lorsque ça m’arrive est d’éviter le plus possible leur contact après avoir identifié pourquoi j’ai un malaise avec eux.

Le sujet du racisme est un sujet très sensible pour moi et j’aimerais tant que le monde entier puisse aller au-delà des différences physiques et culturelles. En tant qu’adoptée, je me trouve au milieu de quelque chose que j’ai de la misère à définir. Je ne m’identifie pas à cent pour cent Québécoise, mais je ne m’identifie pas non plus à cent pour cent en tant que Thaïlandaise. Je suis dans une zone grise et je le serai jusqu’à ma mort. À mes yeux, c’est le prix d’une adoption internationale.

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