Honnêtement, si on me le demandait, je ne pourrais pas nommer une seule chanson de Safia Nolin. Je ne pourrais pas non plus dire un seul des sujets traités à l’émission de Maripier Morin. Je les connais de nom, je les connais de par le traitement qu’en font les médias. Pas plus, pas moins. Par contre, j’ai bien suivi la situation actuelle. Pas besoin de préciser, je pense que pas mal tout le monde sait laquelle. J’ai vu les stories, j’ai lu les articles. J’ai assisté à une dénonciation, suivi d’une prise de responsabilités de la personne accusée, pis après ça, j’ai vu les gens.
Mon but, ce n’est pas d’ajouter une opinion à toutes celles qu’il y a out there. Parce qu’on s’entend, il ne faut pas chercher très loin pour en trouver, des opinions. Des opinions legit. Des opinions basées sur une infime partie de l’histoire. Des opinions fondées sur l’appréciation de la personnalité publique et non de son comportement. Des opinions qui sont en fait juste un prétexte pour insulter et propager la haine. #ClickBait
Les dénonciations ne sont pas un concours de popularité
Pour vrai, à la base, je ne voulais pas écrire sur ce sujet-là. Je trouve ça délicat, mais en même temps, ça vient tellement me chercher parce que je n’arrive pas à comprendre toutes les réactions que ça a engendrées. J’ai vu plusieurs connaissances partager leurs opinions, afficher leur « camp ». Parce que c’est rapidement devenu ça. Une espèce de concours de popularité sans véritable raison d’être. Un team Edward versus team Jacob de 2020, littéralement, mais où y’a clairement un favori du public. J’ai répondu à quelques personnes pis un moment donné, j’ai trouvé ça inutile. Je suis 400% pour ouvrir le dialogue avec du monde qui arrive à formuler une opinion qui se tient. J’aime confronter mon point de vue, même quand il est assez ancré, parce que je trouve ça sain, comme processus. J’arrive à faire la part des choses et j’apprécie quand même ça, tenter de comprendre l’Autre. Je crois que ça peut être super enrichissant, des deux côtés. Mais pour que ça fonctionne, ça prend une réciprocité à cette volonté d’ouverture.
Je me suis rendu compte que dans le contexte actuel, les gens qui divergeaient d’opinion étaient généralement beaucoup plus dans l’émotion que dans la rationalité et ça, à part brûler de l’énergie, c’est rare qu’on arrive à un autre résultat. J’ai fermé mon ordi, laissé couler, passé un bon week-end avec du monde que j’aime et évité la négativité de Facebook. Parce que ça aussi, c’est très 2020.
Les dénonciations ne sont pas de l’opportunisme
J’ai ouvert mon ordi de nouveau lundi, pis là, je suis tombée sur un billet qui m’a complètement sciée. Je ne sais pas si le terme « billet » est le bon. C’est plus une ligne du temps, qui fait le récapitulatif des moments où Safia Nolin a fait des vagues dans les médias d’opinion, suivi des moments où elle a adressé lesdites vagues publiquement. Ça ne prend pas des études en journalisme pour s’apercevoir qu’on essaye de montrer qu’elle a eu de l’exposure suite à ces situations, encore moins pour comprendre qu’à la fin, on insinue que c’est probablement pour cette même raison qu’elle aurait dénoncé l’incident maintenant bien connu. Point bonus: le seul élément à connotation positive dans toute cette ligne du temps, c’est la première nomination de Maripier Morin dans un gala, quelques jours avant que l’histoire ne sorte.
Sérieusement, le « parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlez-en » a le dos pas mal large ces temps-ci. Je pense que personne ne souhaite réellement augmenter sa notoriété en se positionnant comme quelqu’un qui a vécu des comportements inappropriés. Je ne l’ai pas vu plugger ses CD entre deux stories. Je ne connais pas plus le titre d’une de ses chansons. Mais j’ai compris son message et sa critique sur le traitement qu’on fait des plaintes de cette nature. C’était peut-être ça l’objectif, aussi.
Les dénonciations ne sont pas une question d’opinion
Quoi qu’il en soit, discréditer le témoignage d’une personne dans un cas médiatisé comme ça, c’est tellement insidieux, parce que ça démontre que même quand les deux côtés s’entendent sur une version de l’histoire, l’opinion publique peut quand même remettre en question les faits et se ranger du côté de la personne fautive. Ridiculiser, insulter et propager la haine face à la personne ayant subi des préjudices au passage, aussi. Faire planer des doutes comme « et si ce n’était pas vrai » ou « et si c’était fait avec un agenda caché ». En gros, essayer de tweaker la situation pour inverser les rôles.
Il me semble que c’est préoccupant, parce qu’on s’entend que si ça se passe comme ça quand la situation est limpide, qu’est-ce qu’on envoie comme message aux victimes qui veulent dénoncer à leur tour et qui devront faire face à une forme de justice, sans preuve tangible autre que leur parole? On retombe dans la remise en question tant redoutée par n’importe qui qui tente de ramasser assez de courage pour dénoncer une agression. Et ça, je trouve que ce n’est pas tellement sain à cautionner, peu importe la forme que ça prend, que ce soit un commentaire gratuit ou le partage d’articles qui manipulent les faits.
Autant la vague de dénonciations actuelle me prend l’estomac à deux mains et le vire à l’envers que ce qui m’achève, c’est de voir les commentaires qui circulent en mode public et qui sont souvent tellement violents à l’encontre de la personne qui dénonce. À quel moment on se dit que c’est correct de dénigrer le témoignage d’une personne qui a subi une situation qu’elle juge inacceptable? Comment on se dit que c’est OK de diminuer quelqu’un pour semer le doute face à son récit? Pourquoi on se permet de s’acharner sur une personne collectivement alors qu’elle s’est seulement permise de se montrer vulnérable, le temps d’un partage sur Instagram, pour non seulement dire que personne, peu importe son statut, son genre ou sa stature, n’a le droit de porter des gestes insistants qui rendent inconfortable, mais aussi qu’une situation du genre n’a pas de délai de prescription?
On peut trouver qu’Instagram n’est pas le médium parfait pour dénoncer. C’est correct, mais c’est un autre débat qui ouvre toute une série de questions sur la plateforme idéale. Quand ce sera le récit de quelqu’un d’autre, ça lui appartiendra de le partager autrement. Dans les circonstances actuelles, me semble que ça ne nous concerne pas comme décision. Que porter un jugement et baser le reste de son argumentaire là-dessus, tout en faisait fi de bien des éléments importants, c’est un peu simpliste. Faudrait peut-être penser autrement que « moi, là, j’aurais pas fait ça comme ça » et se demander peut-être un peu plus « pourquoi ça s’est passé comme ça? » Parce que oui, il y avait un contexte.
Au final, le but de ce texte n’est pas de faire changer de camp qui que ce soit, parce que des camps, il ne devrait tout simplement pas y en avoir. C’est plus un appel à la réflexion face à l’impact de nos gestes ou de nos paroles, autant auprès des inconnus que des gens qui nous entourent et qui peuvent avoir subi des situations similaires. Il me semble que c’est important, non?