Nous vivons tous des deuils et nous y réagissons différemment. En tant qu’adoptée, mon premier deuil fût celui de ma mère biologique. Puis, j’ai dû faire face au racisme sous forme d’intimidation pendant tout mon primaire et secondaire. À travers ces années, un mal intérieur me rongeait et continue de me ronger: le trouble de l’attachement. (À noter que ce n’est pas tous les adoptés qui en souffrent et que les non adoptés peuvent aussi en souffrir.)
Il y a 7 ans, je voyais pour la dernière fois mon ex-meilleure amie. Après une énorme tempête de plusieurs années où je ne trouvais pas les mots pour décrire ma souffrance et qui se manifestait par des comportements autodestructeurs, notre amitié semblait reprendre du poil de la bête. Tout semblait bien aller, j’étais au « paradis ». Cependant, mon contrat de 9 mois en Ontario et nos vies de jeunes adultes qui commençaient nous séparèrent. Une part de moi était incapable de « dealer » avec cela. Premièrement, c’était ma première amitié en 7 ans. Il m’a fallu des années pour comprendre et ne plus nier que dans ma tête, j’avais l’impression de disparaître de sa vie. Je ressentais que lorsque je n’étais plus dans son champ de vision, je n’existais plus pour elle. Je croyais que ses amis qu’elle se faisait étaient bien plus intéressants que moi. Je sentais, en fait, que je n’avais plus aucune valeur, alors qu’elle m’avait toujours démontré qu’elle était là pour moi. À une certaine époque, elle a même appelé mon Cégep parce qu’elle s’inquiétait pour moi et m’a donc poussée à consulter une psychologue.
J’avais honte de ressentir tout ça, et j’en ai encore honte aujourd’hui. C’est difficile d’expliquer ce que je ressens à des personnes qui, elles, n’ont jamais été privées de la gentillesse de leurs pairs. De mon côté, j’ai eu trois amies extraordinaires, à une époque lointaine, et sans elles, je n’aurais probablement pas survécu à mon enfance et mon adolescence.
En comprenant que je souffre d’un trouble de l’attachement, je me sens un peu libéré, mais aussi emprisonnée en même temps. Car bien que je me connais mieux maintenant, la perte de cette chère amitié continue de me hanter. Une interaction agréable avec une amie actuelle me ramène toujours à elle. Je me dis « c’est comme ça que j’aurais dû agir avec elle » et « je souhaiterais tellement qu’elle puisse voir ce que je suis devenue ». En fait, j’avais tellement peur de la perdre, qu’elle me bannisse de sa vie, qu’à la fin, j’ai inconsciemment agi pour qu’elle le fasse. Bref, je vis avec des regrets constants. Quand je pense à elle, il y a toujours une part de moi qui veut crier de douleur et elle hante toujours mes rêves. Comme si j’avais l’impression qu’elle m’en voulait encore. Peut-être que c’est le cas, mais je sais surtout que je m’en veux toujours.
Mon trouble de l’attachement me fait constamment douter de ce que je ressens vis-à-vis les autres et ça rend mes relations sociales ardues. Je me demande en permanence « est-ce que je suis vraiment capable de faire confiance? » Mais surtout, « suis-je capable d’aimer? »
Je sais que je me contredis ici, mais mon trouble de l’attachement m’emmène aussi à me demander: « Est-ce qu’on peut vraiment oublier quelqu’un qu’on a profondément aimé? » car je suis certaine que s’il y a une personne que j’ai aimée dans ma vie, c’est elle. Finalement: « suis-je capable de tourner définitivement la page ou aurais-je toujours une pensée pour elle? »
Pour plus d’information sur le trouble de l’attachement (TA), je vous invite à consulter le site de l’organisme PÉTALES Québec et sa page Facebook où d’intéressants articles sur le sujet sont partagés.