TRAUMAVERTISSEMENT: Récit d’agression sexuelle/ Viol
[Vous pouvez lire la première partie de ce témoignage, ici.]
Le reste de la journée se passe difficilement. On a tous des faces d’enterrement… Je me sens coupable. Je ne veux pas blesser mes parents. Ce sont mes humains préférés. Chu ben conne. Voyons. Pourquoi je leur ai dit? Ma mère me flatte les cheveux et moi, je me colle sur mon chien. Je m’endors à 19 heures et je dors jusqu’à midi le lendemain.
Ça aura pris 2 jours et des flashs sont apparus. Du moment, de ce qu’il a fait. C’est en me penchant pour flatter mon chien que la position que j’ai prise m’a ramenée là. J’ai vu sa face. J’ai revécu un bout. Malgré mon blackout, j’avais des souvenirs, en petites parties. Je ne respire pas bien. Je fais une crise d’angoisse. Mon chien essaie de me toucher, je l’éloigne. Ça finit par passer… mes parents sont encore sous le choc. J’entends ma mère pleurer dans les bras de mon père ce soir-là en disant « j’ai mal à mon enfant ». Le sentiment de culpabilité revient.
La suite, ça a été une suite de questionnements. Est-ce que j’aurais juste dû ne pas boire? J’étais habillée vraiment « osée » cette soirée-là, c’est ma faute? Je suis une personne quand même sexuelle, je sais que je peux dégager du sex appeal; je l’ai-tu cherché? C’est peut être moi qui lui ai demandé pis je m’en souviens pu? Est-ce que je vais pouvoir refaire l’amour? Est-ce que je ne vais plus jamais aimer le sexe? Est-ce que je suis brisée? Est-ce que c’est de ma faute?
Puis je réfléchis. C’est de ma faute… Ce n’est pas si grave. Je ne suis pas morte. C’est pas grave…
Mais c’est grave, que ma mère me dit. Pis non, ce n’est pas de ma faute, qu’elle me crie presque. J’ai la meilleure des familles et je suis chanceuse en ta. J’écoute les nouvelles, j’écoute des talk-shows. Partout, « procès pour agression sexuelle ». On parle de ça partout… une journaliste fait un topo sur le sujet. Elle clame: « Moi, je n’ai jamais subi d’agression sexuelle, parce que je suis chanceuse. Point. » Sa phrase me rentre dedans…
Je décide finalement de faire des démarches, je dois parler. J’ai peur d’être enceinte. D’avoir une ITSS. Ayant des études en travail social, je connais l’existence des CALACS. Je téléphone. On me dit que ça peut prendre plusieurs jours, voire même semaines, avant qu’une intervenante me rappelle. Voyons? Okay. « On a plein de demandes » que la secrétaire me dit. Je n’ai pas choisi de me faire faire ça jeudi passé, madame, mais vous faites juste votre travail, je comprends. J’attendrai. Je raccroche. Je pleure. Parce que nommer la chose me fait toujours un peu frissonner.
J’appelle ensuite au CLSC, je demande un rendez-vous avec une infirmière pour des tests d’ITSS. D’ici 2 semaines. Voyons? Je suis obligée de mentionner à la secrétaire du CLSC que j’ai vécu une agression. Est-ce que je peux être vue d’urgence? Elle est vraisemblablement mal à l’aise. Elle me dit qu’elle me rappellera. Quelques minutes après, elle me rappelle en effet. L’infirmière lui a dit que je devrais aller à l’urgence. Elle ajoute que certains hôpitaux particuliers, dans plusieurs régions, offrent un service qui s’appelle « centre désigné ». Elle me donne le nom de celui le plus proche de moi. Je m’y rendrai donc le lendemain parce qu’il est déjà tard.
Je passe une nuit courte. Je veux que ce soit fini. Je me réveille vers 7 heures et nous partons vers l’hôpital, moi et mon papa. En arrivant, au triage, j’explique le tout à l’infirmière. Je retourne dans la salle d’attente. Je suis appelée quelques minutes plus tard. L’infirmière me dit « La fille responsable de ça n’est pas là avant midi, et là, il est 8 heures. Si vous voulez aller magasiner ou manger, on ne peut pas vous prendre maintenant. » Mon père doit aller chercher ma mère à midi. Je n’ai pas de voiture. L’infirmière retourne à ses moutons.
Je n’ai même pas peine, je suis outrée. Je suis en CRISS. Moi et mon père, on décide donc qu’on reviendra vers 13h. C’est comme ça, on avait un engagement avant ça. Vers 12h45, je reçois un appel. C’est l’hôpital. Une fille qui ne se présente pas me dit « Oui, est-ce que vous comptez revenir? Vous êtes où là? » et moi de dire « Euh oui, oui, j’étais en chemin là. » Elle me dit « Ben, tu vas arriver quand? J’ai d’autres rendez-vous là. » Est-ce qu’il faut que je m’excuse de m’être fait violer?
Je suis encore outrée et frue, mais je lui dis – le plus bêtement possible – que je serai là dans 30 minutes. Elle répond « Bon okay. » Comme si elle me faisait une faveur.
Après tout ça, j’arrive à l’hôpital en criss, vous comprendrez. Finalement, un peu de lumière, elle est ultra gentille. Ses collègues m’ont mal informée; bref, ça se passe bien. Je dois raconter, je le fais un peu comme un robot. Puis la médecin entre, elle doit me faire l’examen gynécologique. Elle me demande d’ouvrir plus grand. Mes genoux ne veulent pas bouger. Elle me dit qu’on peut tout arrêter si je veux, que ce n’est pas grave. Non. J’ai besoin de savoir. Après plusieurs minutes, je réussis à me « détendre ». Dès que la médecin me touche, alors qu’elle est pourtant si douce et claire, je me mets à pleurer. Nous passons tout de même à travers l’examen. Une autre étape de faite.
Je suis à quelques jours de mon agression maintenant. J’attends toujours des nouvelles pour parler à une intervenante et en attendant, je profite de mon chien et de mes parents. Je suis chanceuse d’être bien entourée. Je suis forte.
Maudit que je me trouve forte.
Besoin d’aide?
Vous pouvez contacter sans frais Le Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS) au 1-888-933-9007.