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Ma petite histoire d’anxiété et pourquoi il faut en parler
Crédit: Unsplash

On parle beaucoup de santé mentale en janvier et c’est une nécessité de rendre ce sujet commun, normal. Encore plus. Même si c’est lourd et qu’on aimerait bien que tout soit toujours festif, fun, positif.

Quand je regarde cette photo de 2015, je vois juste Loupi, mon bébé chien d’amour. Puis je me souviens de la fille, d’à quel point elle allait mal. Elle était malade, voilà.

Crédit : Mireille Martin

 

L’anxiété dans le piton. Les nuits au sommeil spasmodique et entrecoupé, les sueurs froides, la compression de tous les organes, le souffle court, le cœur qui débat, la terreur en vagues, la panique. Tourner sur soi en pleurant, en criant (pourquois’ilvousplaîtjesuispucapabledecontinuerfautqueçaarrêtes’ilvousplaîtjepeuxpu). La paranoïa, les questions sans fin, la chicane, les soupçons, la surveillance, l’hypervigilance… Ça coûte cher, la maladie mentale. Ça brise, ça éloigne, ça prive.

Et pourtant, cette fille avait l’air bien, overall. Elle fonctionnait en société, selon toutes les apparences.

Elle n’en parlait pas trop… de peur d’être jugée. Dans la vie qu’elle vivait alors, la foi était bien importante et elle avait peur de se faire dire que si elle restait malade, c’est qu’elle manquait de foi, que c’était juste une question de prières manquantes et d’efforts spirituels. Force-toi, franchement.

Elle n’en parlait pas trop… parce que les mots des autres venaient vite chercher à rationaliser sa panique. Relativiser les choses. Les gens s’imaginent peut-être que la panique, c’est comme un robinet qu’on ouvre et qu’on ferme à loisir. Une switch : on n’a qu’à se rappeler que ça ne fait pas de sens et toc, on ferme la switch.

Elle n’en parlait pas trop… parce qu’elle avait honte d’être un boulet pour les très rares proches au courant, d’être lourde à supporter, fatigante, compliquée – et elle l’était, si on regarde ça froidement.

Elle n’en parlait pas trop… parce qu’elle avait honte d’avoir à prendre des pilules pour ça. Honte d’être faible. Honte d’être fuckée.

« J’aurais peur de faire des enfants, à ta place, d’un coup qu’ils soient fuckés comme toi. »
« Tu seras toujours comme ça, peu importe de qui tu t’entoures. »
« Tes problèmes vont te suivre même si tu changes ta vie. »
« C’est plus simple quand tu n’es pas là. »

C’est plus simple quand je ne suis pas là…

Toutes ces phrases qu’elle a entendues, qui l’ont écrasée, effrayée, convaincue d’être brisée, défectueuse, décevante. Condamnée.

Elle souhaitait parfois juste mourir, parce que TOUT sauf vivre comme ça encore. Parce que l’espoir et la foi vacillaient quand les vagues d’horreur et de terreur remontaient encore. Elle n’a jamais réfléchi à un plan, juste souhaité arrêter d’exister pour arrêter la souffrance cul-de-sac.

Repenser à ces sensations, ça me fait frissonner. C’était une époque crue et dure. Et parfois, de plus en plus rarement, certains moments font résonner un écho en moi qui ramène des peurs. Certains moments ressemblent parfois, comme dans un flash, à des moments déjà vécus dans cette autre vie et qui a mal tourné. Comme un effet post-traumatique où les vieilles sensations reviennent en force à cause d’un élément en apparence banal, mais qui pitche le cerveau dans le passé. Un mot, un geste, une sensation; le monstre guette.

Mon anxiété était circonstancielle. Ça veut dire que j’ai eu la chance de vivre ça dans certaines circonstances bien particulières et que lorsque j’ai changé de contexte, j’ai été libérée. Presque instantanément. J’ai pris des anxiolytiques pendant près d’un an et lorsque j’ai changé de vie, le sevrage s’est fait en moins de 2 mois, sans aucune complication. Sauf pour les rechutes occasionnelles et les moments où les nuages semblent redevenir gris. Mais jamais depuis ça n’a été aussi pire à nouveau. En plus, ça m’a appris sur moi et ça m’a rendue plus forte.

Je suis infiniment reconnaissante de vivre sans ça, aujourd’hui. Et je suis remplie d’une admiration et d’une empathie sans bornes pour toute personne qui traverse de l’anxiété chronique.

Vous n’êtes pas honteux.se. Vous n’êtes pas fucké.e. Vous êtes digne de respect, de compassion, d’écoute, d’attention. Vous ne perdez pas une miette de valeur ou de préciosité. Même si, des fois, vous n’êtes pas facile à vivre : faut le reconnaître, l’anxiété ne fait pas ressortir les qualités d’une personne.

Consultez. Ça coûte cher, mais si on accepte de payer pour réparer notre voiture, on doit aussi accepter de payer pour notre santé mentale. J’estime que ça a coûté plus de 10 000 $ pour rien de moins que quatre ans de psychothérapie. C’est de l’argent qu’on ne revoit jamais, mais qui repaye en bien-être. Aussi, même si les délais sont vraiment plus longs, il existe des ressources en santé mentale dans le système public si vous n’avez pas les moyens de débourser les frais du privé. Allez chercher de l’aide, inscrivez-vous sur les listes d’attente.

Prenez des pilules si ça vous permet de survivre, de vivre mieux, de vivre plus.

Adressez votre mal et arrêtez de le cacher pour faire comme s’il n’existait pas. Il nous gruge quand même pendant ce temps.

Parlez-en autour de vous, aux gens en qui vous avez confiance. Tassez les autres.

Essayez la respiration, la méditation, le yoga, l’activité physique. Mangez mieux. Dormez plus. Travaillez moins (si possible).

Mais surtout, surtout, plus que toutes ces supposées recettes qui ne marchent pas toujours : ne perdez pas espoir. Les vagues vont et viennent et parfois, la mer est calme. Parfois, le ciel est bleu et on oublie de le savourer parce qu’on redoute les nuages qui viendront.

Tout passe. Ça ira mieux demain.

 

Aujourd’hui, c’est la Journée #BellCause.

Écoutez la vidéo officielle via Instagram et pour chaque visionnement,

Bell remettra 5¢ pour des initiatives canadiennes en santé mentale.

 

Si vous avez besoin d’aide, vous pouvez contacter Écoute Entraide 7 jours par semaine, de 8h à minuit:

Région de Montréal : 514 278-2130
Extérieur de Montréal, sans frais : 1 855 EN LIGNE (365-4463)

Vous pouvez aussi contacter Suicide Action Montréal 24h sur 24, 7 jours sur 7 au 1·866·277·3553 (1·866·APPELLE)

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