Pour souligner les trente ans de l’attentat antiféministe de Polytechnique, je souhaitais en premier partager le nom des victimes. Il est important de se souvenir d’elles avant tout.
Geneviève Bergeron, 21 ans, étudiante en génie civil. Hélène Colgan, 23 ans, étudiante en génie mécanique. Nathalie Croteau, 23 ans, étudiante en génie mécanique. Barbara Daigneault, 22 ans, étudiante en génie mécanique. Anne-Marie Edward, 21 ans, étudiante en génie chimique. Maud Haviernick, 29 ans, étudiante en génie des matériaux. Barbara Klucznik-Widajewicz, 31 ans, étudiante infirmière. Maryse Laganière, 25 ans, employée au département des finances. Maryse Leclair, 23 ans, étudiante en génie des matériaux. Anne-Marie Lemay, 22 ans, étudiante en génie mécanique. Sonia Pelletier, 28 ans, étudiante en génie mécanique. Michèle Richard, 21 ans, étudiante en génie des matériaux. Annie St-Arneault, 23 ans, étudiante en génie mécanique. Annie Turcotte, 20 ans, étudiante en génie des matériaux. Il faut aussi se souvenir des personnes s’étant enlevé la vie à la suite du drame, et de celles ayant souffert de conséquences physiques ou psychologiques.
Cette année, nous nous rappelons cet événement dans le cadre des trente ans de la tragédie. On pourrait être tenté.e.s de se dire que c’est « de l’histoire ancienne », une chose du passé. Pourtant, l’enquête Sexualité, sécurité et interactions en milieu universitaire (ESSIMU) nous apprenait en 2016 que plus du tiers des personnes étudiant ou travaillant dans les universités du Québec y ont déjà subi du harcèlement ou une agression sexuelle. La majorité de ces victimes : des femmes, ou des personnes s’identifiant comme telles.
La violence contre les femmes en milieu universitaire n’est donc pas terminée, et comme étudiante, j’en suis victime ou témoin régulièrement. Nous devons tous et toutes continuer de la combattre. Une loi obligeait cette année les universités à se doter d’un code de conduite ainsi que d’un processus de plainte, d’intervention et de sanction pour combattre les violences à caractère sexuel sur les campus. Il était plus que temps, 30 ans après la tragédie de la Polytechnique!
D’ailleurs, la tuerie a finalement été reconnue cette année par la Ville de Montréal comme un attentat antiféministe. Le 6 décembre est également devenu la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes, et plusieurs activités ont lieu chaque année en lien avec cette cause. Je crois qu’il est juste de dire que la tragédie de Polytechnique est un peu comme le « 11 septembre » québécois. Dans le sens où tout le monde se souvient d’où il et elle était lorsqu’il et elle l’a appris. À une époque précédant l’utilisation généralisée des cellulaires, l’angoisse d’avoir des nouvelles des proches concernés et concernées devait être insupportable, et j’ai chaque année une pensée pour les personnes impliquées dans le drame.
En tant que femme, je crois que c’est primordial de se souvenir de ce qui s’est passé ce jour-là à l’École Polytechnique, même si ça fait brasser des émotions contradictoires. La gratitude de ne pas habiter dans un pays où une tragédie comme celle-là arrive tous les jours. La confusion en réalisant que ces femmes avaient toutes à peu près mon âge. La tristesse devant ces vies happées trop tôt. La colère que cet événement ait pu instiller de la peur dans les cœurs de femmes qui poursuivent des études universitaires. La rage que d’autres s’en soient inspirés pour revendiquer des actes haineux. Le soulagement que ce féminicide soit arrivé avant ma naissance, et à des personnes que je ne connaissais pas; la culpabilité devant un tel sentiment. L’espoir que cela ne se reproduise jamais.
Pour ceux et celles souhaitant témoigner de leur sympathie envers les victimes, un événement de commémoration aura lieu à la date anniversaire. Cette année, la cérémonie du trentième sera jointe d’une chorale de 150 personnes, et 14 autres facultés de génie au Canada allumeront un faisceau en solidarité avec l’École Polytechnique.
J’espère vous y voir!