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J’ai juste besoin de temps
Crédit: Kyle Broad/ Unsplash

L’autre jour, je me suis rendue à un organisme qui aide les personnes ayant un handicap à se trouver un emploi. Je ferai mon premier stage dans mon domaine d’études dans peu de temps. La conseillère m’a suggéré d’appeler la responsable de stage pour parler de mon handicap.

D’abord, j’ai refusé. Elle m’a alors dit que d’après son expérience, il serait beaucoup mieux pour moi de travailler avec une personne qui est au courant de ma situation et qui sait comment dealer avec ça, plutôt que de ne rien dire et de me retrouver avec des personnes qui finissent par en avoir marre des malentendus et me virer ensuite.

J’ai alors accepté après avoir réfléchi. Pour un peu plus de contexte, je suis une personne qui vit avec le syndrome d’Asperger. Une condition souvent (à tort, à mon avis) décrite comme légère, qui n’affecterait l’autonomie qu’à un faible degré. Sauf que voilà, peu importe ce qui peut se dire là-dessus, ben ça reste que j’ai besoin d’aide au quotidien. Je ne passerai pas en revue tout ce que ça implique, mais j’ai souvent besoin de faire le point là-dessus. Surtout sur ce qui a pu me nuire dans mes emplois.

Donc voilà. Une situation à laquelle je ne m’étais pas du tout préparée, que ce soit un bruit, un geste ou de quoi de plus compliqué, tout ça peut faire sur moi l’effet d’un gros coup de vent sur un château de cartes. Je dois me reconstruire et me recentrer à chaque fois. Parfois, je fais juste le saut. D’autres fois, ça paraît pas mal plus que je suis bouleversée.

Source: Giphy

Lorsque je suis saturée, je rentre en mode veille. En pilote automatique. Je décroche du moment présent et je me réfugie dans mon « monde intérieur », semble-t-il. Il se peut que je n’entende pas les personnes qui me parlent, que je ne regarde plus personne dans les yeux, que je ne dise plus aucune parole et que les mots deviennent difficiles à assembler et à prononcer. J’ai l’air « pas vite », frustrée, stressée ou même pas mal high.

J’ai sans cesse besoin de repères. Surtout visuels. Lorsque c’est hors de ma portée, je les crée moi-même involontairement. Je fais des gestes avec mes mains, je secoue la tête et ça passe pour une grande variété de tics.

Pourtant, je suis très loin de faire pitié. J’ai beaucoup de volonté pour m’adapter aux situations qui peuvent m’arriver. Je déteste penser que je suis simplement différente par rapport aux autres alors que chaque personne est différente et vit avec ses propres défis. Y compris chaque Aspie*. J’ai une condition, des services et des besoins particuliers et il est important que les autres personnes le sachent, mais je refuse d’en faire quelque chose qui détermine mon identité et chaque action que je fais. Honnêtement, je pourrais crier partout que j’ai un handicap, mais souvent, je n’en parle pas.

Malheureusement, lorsque je ne le précise pas, il m’arrive de me faire regarder de haut ou mal juger. On m’a déjà dit que j’avais probablement des émotions déréglées. On s’est déjà énervé après moi, car je mettais du temps à réaliser une tâche simple qui impliquait pour moi de la nouveauté et beaucoup de risque d’erreurs. C’est certain que je pourrais travailler plus vite (et mal faire ma job aussi, mais c’est un détail).

À cela, je voudrais répondre une phrase ben ordinaire que probablement tout le monde a déjà entendue dans sa vie:

J’ai juste besoin de temps. 

That’s it. C’est là aussi que se situe le problème: même avec toute la volonté du monde, si je ne me fais pas aider, je ne serai pas toujours efficace. Ma volonté risque même de prendre le bord à la longue. C’est déjà arrivé. D’ailleurs c’est une phrase tellement simple et profonde qu’elle pourrait juste s’appliquer à toute personne qui vit des défis au quotidien. J’aimerais que certaines personnes prennent le temps (lololol) de la comprendre.

Je sais que les malentendus sont souvent très liés à la mésinformation, mais sérieux, fuck l’impatience.

 

*Surnom souvent utilisé par les personnes ayant le syndrome d’Asperger, entre elles.

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