J’suis snob, j’suis snob,
J’suis ravagé par ce microbe…
Tous mes amis le sont, on est snobs et c’est bon.
En écoutant cette chanson populaire de Boris Vian, je me suis posé moi-même la question : « Suis-je snob? », « Ai-je déjà été snob? ».
À 16 ans, je passais des soirées et des fins de semaine entières à lire du Céline ou du Sartre en feuilletant distraitement Le Monde. J’exagère à peine… Je n’étais absolument pas une élève considérée comme douée, mais je me construisais, plus ou moins efficacement, une petite culture littéraire et artistique que je jugeais précieuse.
J’ai vite compris que je n’avais pas les mêmes goûts que la majorité des lycéens de mon âge et que je cultivais volontairement cette différence qui faisait ma « supériorité ». Je fais mon mea culpa ici en affirmant que j’ai déjà eu du mépris pour certaines personnes qui n’avaient pas le goût de s’élever à des connaissances que je pensais plus « nobles ».
Deux années plus tard, j’ai intégré une licence de philosophie et, mon dieu, j’ai souffert du taux élevé de snobinardise de cette classe. Quelques élèves étaient réellement brillants et cultivés, mais toutes ces belles qualités étaient en quelque sorte gâchées par leur snobisme. Cette ambiance assez élitiste, alimentée en plus par les professeurs, m’a réellement démotivée et dégoûtée de mes études.
La réaction de mes camarades quand je leur annonçais que je n’avais pas lu Kant tout l’été.
J’ai ensuite étudié la littérature et j’ai rencontré des gens passionnés et formidables, MAIS aussi des personnes qui adoraient cultiver leur mythe personnel à coup de théories littéraires et de références en masse. Le spectre du snobisme était encore présent, partout…
Pour le plaisir, un ami à moi qui a participé à une soirée d’étudiants en lettres (pour la plupart insupportables) a inventé un nom qui sonne « Russe » pour tester son interlocuteur:
– J’ai regardé un film FA-BU-LEUX de Bronislav Serganinov, tu connais ?
– Ah oui, j’en ai déjà entendu parler, je crois…
HAHA! Pris au piège !
Mes bons amis font partie d’un milieu plutôt cultivé et artistique dans l’ensemble et tous ont été confrontés à une forme de snobisme pénible au quotidien. Par exemple, dans le milieu de la musique classique, du jazz ou pire, à l’école des Beaux-arts. Nous avons remarqué que, dans une certaine mesure, nous voulions aussi correspondre à un idéal de l’intellectuel-de-gauche-bien-habillé-qui-est-ouvert-mais-qui-préfère-l’entre-soi. Pour autant, j’ai parfois l’impression que c’est une étape nécessaire pour s’adapter à un milieu que l’on veut intégrer.
Bref, j’ai un rapport ambigu au snobisme qui se situe entre fascination et rejet. Je crois que d’avoir eu affaire à plusieurs personnes « snobs » ou à une certaine violence symbolique m’a fait réfléchir à ma propre façon d’être avec mon entourage et m’a rendue un peu méfiante des autres, malgré moi.
Selon moi, le snob manque d’ouverture d’esprit et s’étouffe dans son propre jus. Ma recette contre le snobisme? Faire preuve d’humilité face à tout ce que nous ne connaissons pas et avoir toujours en tête que nous sommes plus ignorant que savant.
Il faut penser qu’il est fabuleux d’être toujours curieux et d’apprendre tout au long de sa vie. De plus, il faut essayer de ne pas juger les goûts des autres comme étant « inférieurs », dénués d’intérêt ou moins nobles et plutôt faire preuve de curiosité. Il faut aussi admettre qu’on ne peut pas s’entendre avec tout le monde.
Et après tout, on est toujours le snob et le ringard de quelqu’un, car chacun se définit par des goûts, un mode de vie et des valeurs qui lui sont propres.
Sur ce, je rentre chez moi regarder ce petit film suédois de 1966 et lire le dernier Avdotya Menskina, mais c’est correct si c’est pas ton truc.