J’ai l’impression que mon programme d’étude évalue seulement la capacité à se bourrer le crâne
Catherine FortierDepuis que j’ai recommencé mes études universitaires, je dois réapprendre à gérer certains des éléments que je trouve problématiques par rapport à cette scolarisation. Il faut dire que mes problèmes d’anxiété sont fortement liés à la performance. Pendant des années, j’ai puisé presque toute ma valorisation dans ma réussite scolaire. Jusqu’à ce que ce ne soit plus suffisant, et que je ne parvienne plus à fonctionner normalement. J’ai beaucoup travaillé sur cet aspect de ma personnalité. Et après beaucoup de réflexion, je suis retournée à l’université, même s’il pourrait sembler que c’est cette dernière qui m’a rendue malade.
J’arrive aujourd’hui à poser un regard plus neutre, moins émotif, sur cet établissement. Et je ne peux faire autrement que de remarquer de profondes lacunes. La culture de performance qui y est solidement ancrée vient déformer le système d’apprentissage.
Plutôt que de viser la compréhension, la capacité à appliquer les notions, à les généraliser… on vise une mémorisation d’une quantité si grande de thématiques qu’il devient presque impossible de toutes les assimiler et les comprendre. On exige une mémorisation presque complète de toutes les informations présentées; mémorisation qui est ensuite testée dans des examens où la seule façon d’évaluer l’apprentissage sera de poser un lot de questions à choix multiples.
Probablement que ce n’est pas le modèle de fonctionnement qui vaille pour tous les programmes universitaires. Cependant, c’est la façon de faire en psychologie. Un domaine qui vise l’intervention et la compréhension profonde des êtres humains. Qui forme ses étudiants à tout, sauf à être en mesure de pratiquer cet emploi. Je suis consciente que pour être psychologue, un doctorat est nécessaire.
Cependant, vu le fort contingentement des cycles supérieurs, plusieurs étudiants (la grande majorité) compléteront un baccalauréat sans avoir la possibilité de suivre le reste de la formation. Après trois ans d’études intenses et des milliers de dollars d’investissements, je ne trouve pas qu’on offre à ces étudiants une réelle formation qui puisse être utile en milieu de travail. Dans mon cas, j’ai parfois l’impression que plusieurs bribes de notions me restent en tête, que j’arrive à expliquer divers phénomènes, à présenter mon point de vue sur des éléments de la pratique thérapeutique, mais que je suis loin d’être en mesure d’agir comme intervenant ou thérapeute.
Et si je ne suis pas admise pour la suite? Je rêve depuis bien des années de travailler sur un doctorat en psychologie. Mais je suis bien consciente que la concurrence est féroce et qu’il est bien possible qu’il me soit impossible de poursuivre cet idéal. Qu’est-ce que je serai en mesure de faire avec cette formation? Je n’aurai eu que très peu de cours concernant la thérapie ou l’intervention. Est-ce que j’aurai fait tout ça pour rien?
Et même si ce n’était pas le cas, j’ai l’impression que la majorité de l’apprentissage que j’aurai à faire en lien avec mon emploi devra se faire sur le tas, parce que ce que j’ai appris à l’université ne se révélera peut-être pas tellement utile sur le terrain. Bien sûr, j’ai choisi d’étudier dans ce programme par passion. J’y suis retournée parce que la psychologie demeurera toujours ma passion. C’est ce qui me fait vibrer. Et ce programme offre une solide formation théorique qui mène probablement de façon très pertinente aux cycles d’études supérieurs.
Mais il m’est difficile de me défaire de l’impression que ce que le programme vise, ce n’est pas de former des étudiants « compétents », qui auront bien assimilé les notions et seront en mesure de les appliquer, mais bien de déterminer quels étudiants sont les meilleurs pour mémoriser tous les concepts et quels étudiants ont le plus de temps à mettre dans la mémorisation des concepts.
J’ai discuté de cette problématique avec des étudiants d’autres programmes universitaires. Et cette impression revient chez beaucoup d’entre eux. L’impression de devoir se gaver de notions pour simplement les vomir sur la feuille d’examen et en oublier la moitié le lendemain. Et prier pour obtenir un A ou un A+, parce que c’est ainsi qu’on évalue notre valeur en tant d’étudiants.
Avec le recul que j’ai aujourd’hui, j’arrive à être beaucoup plus zen par rapport à cette exigence de la performance en milieu universitaire. Mais je ne peux faire autrement que de me questionner sur la valeur réelle d’une telle méthode de scolarisation (et d’évaluation).
Qu’en pensez-vous?