Avec le nombre d'articles que j'écris sur la maladie mentale et la sensibilisation constante que j'essaie de faire, à la fois sur les réseaux sociaux et dans la vie en général, je pense que ce n'est plus un secret pour personne qui me connaît : je souffre d'un trouble aimentaire.
Lorsque quelqu'un l'apprend, je m'attends à plusieurs réactions de leur part, notamment « Oh, tu n'as pas l'air malade! » (le classique des classiques), « Alors tu ne manges pas? » et le fameux « Pourtant tu n'as tellement pas à te priver, tu n'es pas grosse! » C'est sur ce dernier commentaire que je veux me pencher aujourd'hui.
« Pourtant, […] tu n'es pas grosse! »
Toujours dit de la même manière, comme si l'on accusait d'abord le fait d'être gros. On le dit vite, même qu'on le crie. Comme s'il fallait rapidement balayer l'option que ladite personne est peut-être grosse (quel malheur ce serait!) La socialisation, bien sûr : nous vivons dans une société qui glorifie la minceur, voire la maigreur, et avoir de la chair et des courbes est mal vu. Nous perpétuons ainis cette démonisation du corps sain en donnant une connotation excessivement négative au mot « gros.se ». Déplorable.
Enfin, de retour à cette fameuse remarque…
« Pourtant, […] tu n'es pas grosse! »
Intéressant… Fort intéressant. Quand est-ce que j'ai mentionné, en amenant doucement mon anorexie dans la conversation, que je me trouve grosse? Jamais. Et c'est là que le manque de connaissances en la matière se fait le plus flagrant. Ce que je veux dire par là : trouble alimentaire n'est pas synonyme d'une image corporelle biaisée, contrairement à la croyance populaire.
En effet, ces maladies mentales sont très souvent associées à une distortion de l'image de soi, surtout lorsqu'il est question d'un TCA (trouble de la conduite alimentaire) restrictif. Or, le fameux cliché de la fille-squelette qui se perçoit comme obèse n'est pas présent chez toutes les personnes qui souffrent d'un TCA, quoique ce soit relativement fréquent.
En effet, ce biais dans la perception de son propre corps est un trouble de santé mentale à part entière, répertorié dans le DSM-V, c'est-à-dire la version la plus récente du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Cela s'appelle de la dysmorphophobie.
Cette maladie mentale « […] est caractérisée par une préoccupation concernant ≥ 1 défaut perçu de l'apparence physique qui ne sont pas apparents ou apparaissent léger à d'autres personnes » et entraîne une détresse significative dans la vie de la personne touchée. En d'autres mots, l'individu voit une ou des partie.s de son corps de manière biaisée malgré l'entêtement des autres à lui rappeler que son anatomnie ou apparence est normale. Cette perception déformé entraîne des comportements répétitifs chez la personne qui ne veut que se rassurer quant à la/aux partie.s du corps qu'elle juge anormale.s, répugnante.s, hideuse.s.
Comme dans le trouble obsessionnel-compulsif, communément appelé « TOC », on observe le schéma suivant : obsessions (ici la partie du corps perçue de façon biaisée) – compulsions (se regarder dans le miroir pendant des heures, scruter sa peau minutieusement, se comparer aux autres…)
Bref, à l'aube de la Journée internationale de sensibilisation aux troubles alimentaires, qui se tiendra ce dimanche le 2 juin, voici ma réponse à celleux qui s'exclament « Pourtant, […] tu n'es pas grosse! » lorsque j'aborde à peine mon trouble alimentaire :
Ne confondez pas mon TCA avec une autre maladie mentale. Oui, personnellement, je souffre également de dysmorphophobie, mais ce pourrait ne pas être le cas. Ces deux troubles de santé mentale me font atrocement rusher parce que non seulement l'anxiété est dans le tapis quand il est question de nourriture, mais en plus, je me vois comme obèse, donc prendre du poids me semble insensé.
Enfin, moi, je trouve ça cool les gens qui ont à coeur l'éducation en santé mentale et qui, lorsqu'ils acquièrent de nouvelles connaissances, ne continuent pas à contribuer à la stigmatisation déjà bien trop présente. Soyez donc l'un deux, et passez le mot : tou.te.s celleux qui ont un TCA ne souffrent pas nécessairement de dysmorphophobie.