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Retour sur l’entrevue de TLMEP sur la surmédication des enfants TDAH
Crédit: Tout Le Monde En Parle/Facebook

À Tout le monde en parle dimanche dernier, Guy Falardeau et Valérie Labbé, deux pédiatres sont venus parler de la sur-médication des enfants TDA/H en lien avec leur lettre ouverte publiée récemment avec l’appui d’autres collègues. Plusieurs points abordés dans l’entrevue m’ont semblé pertinents, mais d’autres ont été traités peut-être un peu trop rapidement ou avec maladresse.
 
D’abord, j’ai été rassurée de voir qu’ils ont spécifié ne pas vouloir mettre en cause l’existence du TDA/H ou la pertinence de la médication pour le traiter. Je crois qu’il est important de ne pas se mettre à voir la médication comme le pire ennemi malgré les taux importants de psychostimulants prescrits. Certains enfants en ont besoin et plusieurs d’entre eux souffrent réellement de ce trouble. Le travail réalisé quant à l’accès à la médication, notamment concernant le remboursement par la RAMQ, n’est donc surtout pas à remettre en cause. Il est important que ces enfants aient accès à des traitements, médication incluse. C'est pas une question de classer la médication dans une case « bon » ou « mauvais ».  
 
Aussi, comme l’a mentionné un des invités de l’émission, Pier-Luc Funk, la médication peut nuire s’il ne s’agit pas du bon dosage ou de la bonne molécule. En effet, il arrive qu’une molécule ne fonctionne pas ou que la dose est inadéquate. Là encore, je crois qu’il ne faut pas rapidement régler la question en se disant que tout psychostimulant est néfaste pour tout le monde. Chaque personne réagit différemment sans qu’on en connaisse tous les facteurs impliqués et cela n’invalide pas le diagnostic de TDA/H pour autant. Quelqu’un sans TDA/H pourrait prendre un psychostimulant et avoir plus de facilité à se concentrer, alors que quelqu’un d’autres avec un TDA/H pourrait essayer la même molécule et ne pas avoir d’effet thérapeutique… La réaction à une molécule n’invalide pas un diagnostic.
 
Pour vraiment savoir si une personne a un TDA/H, une évaluation complète d’un professionnel qualifié est nécessaire. L’évaluation permet de faire la distinction entre l’anxiété et le TDA/H, ou même d’attester de la coexistence des deux, car ces conditions sont loin d’être mutuellement exclusives. Ce qui est regrettable, c’est le manque de ressources, à la fois pour cette évaluation et pour l’intervention qui suit. En ce sens, je crois que les pédiatres ont tout à fait raison de souligner l’importance d’en faire un problème de société. La santé mentale (et cognitive) en général doit être une priorité de société!
 
D’autre part, si on se met à chercher la cause du TDA/H en ciblant le manque d’opportunité de bouger ou l’omniprésence des écrans comme certains l’ont soulevé dans l’émission, on est un peu à côté de notre profit. Ce ne sont pas non plus les parents, les enseignants, ni les médecins qui sont à blâmer. Les ressources manquent en santé mentale et le taux de médication que dénoncent ces pédiatres en est une preuve supplémentaire. Ça ne veut pas dire qu’avec des interventions de psychologues, ergothérapeutes, neuropsychologues et autres, toutes les personnes TDA/H pourraient se passer de médication. Par contre, ça leur donnerait plus qu’un seul outil à mettre dans leur coffre à outils pour apprendre à mieux cohabiter avec le TDA/H au quotidien…
 
Un point qui m’a particulièrement dérangé dans l’entrevue est le stéréotype encore trop véhiculé de l’enfant TDA/H comme étant un petit garçon tannant et turbulent. Il est vrai que le taux de prévalence chez les garçons est plus élevé, en partie en raison de ce que mentionne Valérie Labbé concernant la maturation du cerveau. Par ailleurs, certains diagnostics sont davantage donnés aux hommes qu’aux femmes et l’inverse est aussi vrai. Je pense entre autres au trouble de personnalité limite chez la femme et la bipolarité chez l’homme. Les stéréotypes de genre ont clairement leur part de responsabilité à jouer là-dans. 

Aussi, il est important de souligner qu’un petit garçon tannant n’est pas systématiquement TDA/H. C’est un trouble beaucoup plus complexe qu’avoir la bougeotte dans sa classe de maths… Ils ont effectivement souligné la souffrance importante à adresser, mais le segment de l’entrevue semblait surtout mettre de l’avant des idées préconçues sur le TDA/H qu’on est bien tannés d’entendre rendus en 2019. Expliquer le TDA/H par « boys will be boys » comme dirait une de mes collègues, ou par « les jeunes d’aujourd’hui sont toujours sur leur cell », c’est du remâché plate et inutile.
 
Je souhaite qu’on redirige plutôt notre attention sur ce qui m’apparaît beaucoup plus important. On doit réfléchir comme société à la place qu’on accorde aux soins en santé mentale et cognitive pour aider ces enfants et ces familles. Je me croise les doigts pour que cette lettre puisse être un pas vers l’accès à des ressources autres que la médication sans la diaboliser pour autant. Je rêve peut-être en couleur, mais il faut bien un peu d’espoir pour avancer vers quelque chose…

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