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Cachez-moi ce sexfie que je ne saurais voir!
Crédit: charlesdeluvio/Unsplash

Adolescente, on m’a parlé très peu, et surtout très peu positivement, de sexe. Au secondaire, on nous apprenait notre anatomie et comment mettre des condoms. On ne nous a jamais parlé de plaisir sexuel. Ça se résumait pas mal à : « voici les glandes de Bartholin », « mettez un condom sinon vous allez avoir des bébés » et « c’est ok d’être gay ». 

Je suis tellement heureuse d’avoir la mère de ma meilleure amie dans ma vie (allô Nathalie!). Elle a fait asseoir ma gang de filles un après-midi pour parler de masturbation parce que « c’est vraiment difficile d’avoir du plaisir avec quelqu’un d’autre si vous ne savez pas comment vous faire plaisir seules. » Mais je suis pas mal certaine que ce n’était pas le cas pour toutes les personnes qui allaient à l’école avec moi. Je me considère plutôt chanceuse d’avoir eu un cercle de copines avec qui en parler assez ouvertement et une adulte à qui me confier.

Je vous raconte tout ça parce qu’hier, Vrak a osé parler de « sexfie » sur son site. Le titre exact de l'article était 10 trucs pour réussir ton sexfie sans ruiner ta réputation. Ma première réaction, ç’a été de me dire : Wow, ok, on va peut-être enfin parler de fesses positivement aux ados. Si j'avais voulu aborder le sujet, je n'aurais jamais adopté le même angle. J’ai tout de même été assez surprise de lire les commentaires qui découlaient du débat. Oui, c’était maladroit de la part de la plateforme. Peut-être que c’était inacceptable de publier cet article sur leur site. L’article a d'ailleurs été retiré quelques heures plus tard. L’article de Vrak était loin d’être parfait, je ne cherche pas à en défendre le contenu.

Toutefois, il avait le mérite de débuter une réflexion en rappelant aux ados qu’il est nécessaire d’« être 100% partant.e » et « entièrement à l’aise ». (enlever Pour bien mettre les points sur les i, l’auteur conclut en écrivant (en caractères gras) : « Ne te force surtout pas! »)*

L’article n’est pas passé dans le beurre, c’était assez prévisible. Par contre, quand j’ai lu le tweet de Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation, je suis tombée en bas de ma chaise.
 

Je ne suis pas nouille. Comme tout le monde, j’en ai entendu des histoires vraiment pas drôles, c'est même déjà arrivé à une de mes amies. Oui, ça peut créer des problèmes. Oui, ça peut tomber entre les mains des mauvaises personnes. Oui, ça peut détruire une réputation (malheureusement). Par contre, ne pas parler d’un sujet n’est jamais la bonne solution. La #prévention, c’est exactement le contraire. Les ados vont continuer à se photographier en sous-vêtements même si on leur dit de ne pas le faire. On peut, par contre, leur donner des trucs pour le faire de façon sécuritaire et responsable. Garder nos ados mal informé.es représente, selon moi, un bien plus grand danger. 

Je trouve ça déroutant qu’on n’ait toujours pas compris cela en 2019.

Cartes sur table, je serai la première à me porter à la défense des sexfies. Chouchou habite maintenant à plus de 1 000 kilomètres de moi. Oui, oui, ça m’arrive un peu souvent de lui en envoyer. Je comprends que ma situation est assez différente de celle du public cible de Vrak : j’ai 25 ans et je suis mariée avec ma douce moitié depuis plusieurs années.

C’est le manque de nuances dans le débat qui m’a choquée. J’ai vu le « sexfie » traîné dans la boue. Honnêtement, c’était presque humiliant pour ceux et celles qui l’utilisent une fois de temps en temps. On a oublié de dire que c’est un geste qui peut être émancipateur. Que se trouver cute le temps d’une photo, ça remonte l’estime. Que ça peut souder des partenaires et consolider la confiance si le tout est réalisé avec respect et bienveillance. C’est aussi de ça qu’on aurait dû parler. En mode ouverture d’esprit.

Le problème, ce ne seront jamais les ados qui prennent lesdits « sexfies ». Non, le problème, ce sont les personnes mal intentionnées qui les montrent et qui en rient. Partager la photo coquine d’un.e ado, c’est illégal et avec raison. C’est justement pour ces raisons qu’il est important d’en parler. Haut et fort. Peut-être qu’elle n’est pas des plus faciles, mais c’est une discussion à laquelle ils.elles sont tout à fait capables de participer.

Certes, l'approche de Vrak était maladroite ; je ne veux pas non plus voir les « sexfies » être banalisés. Arrêtons de se cacher les yeux : que la plateforme en parle ou non, des « sexfies » seront pris et envoyés demain.
 

Non, parler avec plus de nuances et discuter avec nos adolescent.es de cyberintimidation ne sont pas opposés. Pas besoin de le « remplacer », les deux sujets peuvent très bien cohabiter sur la même plateforme. Il est important de leur offrir des outils, plutôt que de créer des tabous, afin que nos ados puissent prendre des décisions éclairées. 

* Ce paragraphe a été mis à jour le lundi 4 février à 10h46 afin de bien préciser la pensée de l'auteure. 

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