Je suis déménagée dans le « Canada anglais » avec un mandat de francisation en même temps que le tollé politique autour du français « hors Québec ». Mon objectif ici n’est pas de partir un débat politique sur l’existence ou non du français hors Québec, de la raison d’être des Universités francophones (ou plutôt des campus, car il en existe quelques-uns, même ici à Vancouver et chez nos voisins en Alberta), mais de vous parler de notre réalité. « Notre » car nous sommes une si petite communauté que je m’y suis sentie accueillie dès les premiers jours. C’est absurde à dire, mais la communauté est tissée si serrée que je pourrais ne vivre qu’en français sans aucun problème. Il m’arrive même parfois de dire « bonjour » au chauffeur d’autobus par habitude.
La loi 101 à l'envers
Donc voilà, mon mandat actuel est d’éduquer (dans le sens d’éducatrice) des enfants de 3-5 ans appartenant à la francophonie de Vancouver. Ici, on les appelle les ayant-droit. Il y a trois types d’ayant-droit : d’abord, les enfants dont au moins un parent a pour langue maternelle le français (toujours comprise). Ensuite, ceux dont les parents ont complété en partie ou en totalité la scolarité en français. Finalement, ceux dont les frères, sœurs ou membres de la famille fréquentent une école francophone. Bref, je me sens un peu comme la loi 101 à l’envers.
Je vous ramène donc 2 mois en arrière, quand moi et ma valise sommes débarquées ici. Je pensais que j’aurais affaire à des enfants de Québécois ou de Français, ayant un Français similaire au mien. Je pensais partir au même niveau qu’avec « mes » 3-5 ans du Québec, leur raconter les mêmes histoires, faire les mêmes jeux. J’ai rapidement été forcée d’admettre que ce ne sont pas des Québécois ou des Français, mais bien des enfants de Franco-Colombiens, de Franco-Ontariens, de Québécois et de Français. Leurs parents parlent couramment français, eux pas encore. Mais ça viendra! Et c’est là toute la richesse de grandir en Français dans une province anglophone. Parce qu’élever des enfants ici, je ne m’inquiéterai jamais de la capacité qu’ils auront à apprendre l’anglais. Le contact avec l’anglais est omniprésent. Par contre, il faut faire sa place au français. Un peu comme il a fallu faire sa place au français au Québec il y a quelques décennies. Et là, je ne compare pas. Parce qu’ici, environ 2-3% de la population est francophone. Je pense que plus d’habitants parlent mandarin que français!
Les francos dans l'Ouest, plus nombreux qu'on pense
Ça donne aussi un coup sur l’ouverture sur le monde de vivre en Français dans une province
anglophone dans un pays bilingue. (Pour faire une histoire courte, mes diplômes ne valent rien ici et le gouvernement ne parle pas français alors il refuse d’accepter la version francophone de mes plans de cours pour souligner mes compétences. Ne me sortez pas vos arguments en commentaire svp, c’est la faute du Québec qui n’a pas signé un agrément entre les provinces.) Donc voilà que l’autre jour, je parlais avec le ministère au téléphone et le préposé en charge de mon dossier de demander « Vous m’appelez de la France, vais-je pouvoir rappeler au même numéro? » et moi de lui répondre que j’avais un numéro canadien qui fonctionnait très bien considérant le fait que je l’appelais de Vancouver. Cet homme venait de réaliser que, dans son pays nord-américain, des gens parlaient français. Tellement de gens qu’on a pu ouvrir une école et y donner des diplômes écrits en français.
Non, ils n'ont pas un accent
Une autre chose qui m’a donné un coup en arrivant ici c’est l’accent. « Ils ont un accent anglophone » que je me disais. Mais non, ils n’ont pas un accent anglophone, ils ont un accent franco-colombien. Comme les Québécois ont un accent, comme les Français ont un accent, comme les Belges ont un accent, comme les Franco-Ontariens ont un accent. Il ne faut surtout pas faire l’erreur de leur parler en anglais sous prétexte qu’ils ont un accent. C’est un mythe que j’ai bien l’intention de défaire. Avant que mes enfants viennent au monde et se retrouvent avec cette problématique, de grâce!
Je ne prendrais pas plus de votre temps. Je voulais simplement vous faire un topo sur ma Colombie-Britannique Francophone. Là où je vis en français au quotidien et où j’apprends aux enfants à aimer leur langue comme je l’aime quotidiennement.