Avec la survalorisation des relations amoureuses et d’une vie sexuelle comme symboles de la normalité, on ne prend connaissance que d’un seul des extrêmes d’un grand spectre, en occultant le reste. En somme, on prend la pointe de l’iceberg pour l’iceberg au complet.
Les opposés polaires de la sexualité et du romantisme (au sens d’amour, dans cet article), ce sont l’asexualité et l’aromantisme.
Contrairement au mythe, l’asexualité et l’aromantisme ne constituent pas un problème, un traumatisme, une dysfonction, un échec ou un dérèglement. Bien que chacun.e puisse vivre son asexualité différemment, la définition commune revient à l’absence d’attirance sexuelle. Pour l’aromantisme, c’est l’absence d’attirance romantique. Tous deux sont inclus dans l’acronyme au long de la communauté des minorités sexuelles, romantiques et de genre : il s’agit de la lettre A (qui ne réfère pas à « allié.e », désolée!).
L’asexualité n’est pas un synonyme d’abstinence, de célibat, d’insuccès en amour, de frigidité ou d’impuissance, tout comme l’aromantisme n’est pas un synonyme de froideur, d’insensibilité, d’asociabilité ou d’aigreur. L’asexualité n’a rien à voir avec la capacité (ou non) d’avoir des orgasmes, d’avoir (ou non) une libido ou d’aimer (ou non) les sensations physiques des stimulations sexuelles. Toutes ces choses ne sont pas incompatibles avec l’asexualité et l’aromantisme, mais en sont complètement indépendantes.
De plus, ces deux orientations (ou absences d’orientation, c’est selon) forment deux axes autonomes. La personne moyenne ressent une attirance sexuelle ET romantique pour les personnes du genre « opposé » au sien. Lire ici les personnes hétérosexuelles (qui sont, normalement, aussi hétéroromantiques). Or, l’existence des deux axes crée la possibilité d’avoir deux orientations simultanées qui ne sont pas alignées sur les mêmes genres. Par exemple, une personne pansexuelle et homoromantique peut ressentir une attirance sexuelle pour tous les genres, mais ne parvenir à créer de liens amoureux qu’avec les personnes du même genre qu’elle-même.
Une personne qui n'est pas certaine d'où elle se situe sur les spectres ou qui ne souhaite pas préciser est dite dans leur zone grise, traduction libre des termes originaux anglais graysexual et grayromantic.
Avec une meilleure conscientisation et une déstigmatisation de ce genre d'identités, on pourrait éviter bien de la confusion. Anecdote, dans mes premiers mois de relation avec mon conjoint, il était déjà tout ce qu'on peut demander d'un partenaire : attentionné, romantique, altruiste, amoureux, à l'écoute, adorable, name it. Un chum parfait, une chance inouïe. Sauf que je ne ressentais rien et il ne m'attirait pas, peu importe ce que je faisais ou ce que je me disais, et je ne comprenais pas pourquoi, parce que rationnellement toutes les conditions étaient bonnes et les raisons encore plus ; ça n'avait absolument aucun sens. J'en suis venue à penser qu'il n'était sûrement pas le bon, vu que la petite étincelle manquait, et j'ai failli juste mettre fin à notre relation. Turns out que j'étais quelques mois trop tôt pour m'exiger ça. Aussitôt que j'ai développé un lien émotionnel très fort avec lui, WOOHOO l'attirance sexuelle et la limerence, toé. J'ai pu constater que c'était un vrai pattern chez moi, et il se trouve que ça a un nom : la demisexualité. Quel soulagement ç'a été de trouver enfin un mot à mettre sur ce que je vivais!
Comme tout mot relatif à l’identité, les étiquettes servent à décrire des réalités, temporaires ou permanentes, et à permettre de mieux se comprendre, et elles peuvent servir aussi longtemps qu’elles peuvent être utiles à la personne concernée. Il revient à soi d'explorer quels concepts nous conviennent le mieux et à côté desquels passer son chemin le cas échéant.