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Chers cheveux blancs, je vous aime… maintenant
Crédit: Jeremy Bishop/Unsplash

Chers brins d’argent qui parsèment ma chevelure depuis plusieurs années maintenant,
comment allez-vous? Bien, j’ose supposer, étant donné la vitesse à laquelle vous vous reproduisez…

Vous êtes entrés dans ma vie depuis une dizaine d’années déjà, mais c’est seulement maintenant que je prends la peine de m’adresser à vous. Manque de temps, peut-être, ou crainte inavouée de vous rendre plus tangibles si je mets par écrit votre réalité… Bref, c’est moi, Andréane, votre seule et unique hôtesse à la souvent précaire confiance en elle.

Quand vous êtes arrivés au sein de ma toison crânienne, j’ai eu peur. Tellement que je vous ai tout de suite évincé d’un rapide et habile coup de Tweezer. Pourquoi un geste si drastique? C’est que, voyez-vous, je n’avais même pas 20 ans quand vous avez soudainement élu domicile sur ma brune et unie tête de femme pas du tout femme encore. J’ai eu peur. J’ai eu peur que vous ne deveniez trop rapidement partie intégrante de ma jeune apparence physique et que l’on vous voit et que l’on vous juge. Oui, je l’avoue, j’avais honte de vous.

Peur des cheveux blancs
C'est environ comme ça que je me suis sentie quand je vous ai vu pour la première fois.
Crédit : Giphy

 

Les hypothétiques regards sur vous m’angoissaient au plus haut point. Et si les gens se moquaient de moi? Et si, pire encore, j’avais l’air vieille? Cet infâme mot de sept lettres, que l’on camoufle souvent sous d’autres termes plus socialement acceptés, me faisait frémir. Comme si, votre présence aussi naturelle qu’apparente, trahissait un nombre d’années qui me dépassaient largement, mais aussi une faiblesse physique qui ne m’appartenait pas réellement. Peut-être ne le savez-vous pas, mais avoir l’air vieille est une angoisse qui touche beaucoup la gent féminine. Un sentiment créé de toute pièce par une société qui prône la perfection esthétique et qui propage le culte de la jeunesse éternelle à grands coups de publicités incitant les femmes à camoufler toutes traces du temps qui passe : vergetures, cellulites, ridules et, vous l’aurez deviné, cheveux blancs!

Au début, votre apparition a coïncidé avec une période d’essais capillaires qui a duré quelques années. Je suis passé de longs cheveux épais à un côté du crâne rasé en passant par la coupe pixie et je me suis amusée avec les couleurs, conservant le blond platine, mon préféré, pendant presque un an complet. Ce n’est que lorsque mes cheveux ont repoussé de leur couleur naturelle que je me suis réaperçu de votre présence. Mais cette fois-ci, pas de panique, pas d’injustes coups de Tweezer, je vous ai aimé. Ben oui. Je vous trouvais cutes tout d’un coup. Après toutes ces couleurs dont j’avais fait l’essai, je me suis dit que vous n’étiez qu’une couleur nouvelle, sans peroxyde ni autres produits chimiques, qui me rendait d’autant plus unique.

Je ne vois évidemment aucun problème à ce que certains camouflent leurs petites traces de sagesse de la manière qu’ils.elles le souhaitent, il s’agit bien d’un choix personnel. Pour ma part, j’ai les cheveux très fins et particulièrement cassants après tous les blanchissages auxquels ils ont eu droit, donc les teintures ne sont définitivement plus mes meilleures amies. J’ai dû, pour ma paix d’esprit et la santé de ma tignasse, tout simplement accepter votre calme et sage présence dans ma vie. 

De plus, pendant mes années d’aventures échevelées, certains modèles de beauté féminins se sont affirmés et l’univers publicitaire a fait plus de place à des mannequins plus âgé.e.s, plus en chair, ou moins retouché.e.s, par exemple, ce qui me donne immensément espoir pour le futur qu’un jour, moins de pression sera mise sur les épaules des femmes pour avoir l’air de ci, ou de ça, ou plus ci, ou moins ça.

Vous ne me définissez pas intrinsèquement en tant que personne, mes blancs amis, et je vous aime!

Rocke les cheveux blancs
Crédit : Giphy
 

Mon souhait est que toutes les femmes vous acceptent et cessent de vous dissimuler ou de vous éradiquer, mais surtout, que toutes ces belles personnes s’acceptent elles-mêmes, avec leurs multiples et belles traces d’existence et qu'elles fassent ce que bon leur semble avec celles-ci, sans succomber aux efforts de la société pour nous imposer des standards.

 

Merci d’être dans ma vie et de me faire grandir, chers cheveux blancs.

Avez-vous des cheveux blancs? Quelle a été votre première réaction en constatant leur présence?

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