Quand on a de l’acné, on souffre d’acné. Nous en sommes victimes. Et en même temps, le discours social veut que ce soit le résultat d’une paresse hygiénique. C’est même perçu comme une paresse de ne pas prendre le temps de les cacher le matin avec du maquillage. Dans mon cas, mon visage est rempli de taches de rousseur, taches qui, depuis longtemps, font partie intégrante de mon identité. J’ai donc toujours eu peur du fond de teint, d’autant plus qu’il bouche les pores et peut augmenter les chances d’avoir plus d’acné si le visage est mal lavé par après.
Adolescente, je souffrais d’un peu d’acné. Et, à mes 17 ans, j’en ai eu ras le bol et j’ai demandé à ma pédiatre une solution. Elle m’a prescrit la pilule. Et puis, en voulant la renouveler, je suis allée à la clinique (ayant alors atteint ma majorité) et on m’a suggéré de changer pour la Diane 35, sans trop m’expliquer les effets secondaires. Après quelques mois, ouf, plus d’acné! Moi qui lavais mon visage deux fois par jour, moi qui changeais ma taie d’oreiller toutes les nuits, moi qui passais des heures devant le miroir à inspecter chaque recoin de ma peau et qui n’osais plus mettre de camisoles l’été de peur de montrer les boutons dans mon dos, ce calvaire était ENFIN terminé. Ou c’est ce que j’ai cru.
La Diane 35 est une pilule très forte que l’on prescrit surtout pour l’acné. Si forte qu’en peu de temps, j’ai pris une trentaine de livres, alors que j’avais toujours eu un poids stable. Ensuite, mes seins ont poussé, mais croches, pas de manière égale. Bon, ce sont peut-être des détails inimportants, mais j’avais l’impression d’avoir quelque chose d’étranger dans mon corps. Quelque chose de pas naturel. Que mon corps n’était plus celui que j’avais connu. Mes émotions étaient réglementées par les hormones. Mes cheveux ont arrêté d’être bouclés. Mais au moins, je pouvais me coucher le soir sans me laver le visage.
Je pleurais souvent, me sentant prise avec ces hormones qui ne me correspondaient pas. J’avais de la pression (familiale) pour prendre la pilule, ayant un copain. J’ai décidé, après deux ans, de cesser de la prendre. Est venue une acné monstrueuse, ravageante, comme je n’en avais jamais vu auparavant. Sans compter qu’elle laissait de grosses cicatrices au visage. Et après un an de « cure » de pilule, elle empirait encore davantage. J’apprends alors que plusieurs ex-preneuses de la Diane 35 se retrouvent avec le même problème. Et on continue de la prescrire comme remède pour l’acné!
C’en fut à un point où faire la bise devenait douloureux pour mes joues. Que je n’osais plus rencontrer de nouvelles personnes, trop gênée de ma peau. Qu’on ne voyait même plus mes taches de rousseur. Et, comme toujours, on me disait de faire ceci ou cela pour améliorer ma peau. Adolescente, on m’avait dit : « Moi, je ne fais rien, et ça part tout seul. Tu devrais essayer ça. » C’est fâchant, comme si l'acné n’était pas le résultat de mes gènes ou même d’un lobbyisme pharmaceutique.
L’estime de soi à terre, je remarque la nouvelle tendance du #BodyPositivity (que je trouve géniale). Je cherche une revalorisation des personnes avec de l’acné, soit, dans la même idée. Je ne trouve qu’un vidéo assez réussi, mais je tombe sur des commentaires désobligeants, méchants, qui percent le cœur. J’en pleure à chaudes larmes la nuit. J’aimerais m’arracher la peau.
En janvier, j’ai commencé les antibiotiques (et alors, on me dit que je ne devrais pas les prendre, que c’est « fort », qu’il doit y avoir un autre moyen… ah, #LesGens). Je viens tout juste de terminer le traitement et si l’acné s’est énormément améliorée, je me retrouve toujours avec des traces rouges qui datent depuis janvier et qui disparaissent lentement. Je suis terrifiée à l’idée d’une rechute. Peu importe les mots rassurants que je peux recevoir, le visage est notre véhicule identitaire, la première chose que l’on remarque. La première chose que l’on voit lorsqu’on croise un miroir. Je ne suis pas mon acné, mais c’est quelque chose qui affecte mon visage, comme 40 % des femmes adultes. Et pourtant, j’en « souffre », ce n’est nulle autre qu’une maladie et il n’existe pas de mouvement, à ce que sache, qui combat les normes des « peaux parfaites », ce qui rend ce passage très difficile pour moi, si passage ce sera. Une maladie que plusieurs se permettent de commenter, comme si ils et elles ont la clef de la solution si bien gardée. Si j’avais accepté mon acné lorsqu’adolescente, peut-être n’en serais-je pas rendue à ce point? Dans tous les cas, mon réel défi réside dans l’acceptation de soi-même.
Je souhaite à chacun.e d’entre vous de vous aimer, avec toutes vos « imperfections ».