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La détresse des intervenant.e.s en santé mentale et le manque de ressources
Crédit: Maria Victoria Heredia/Unsplash

Il est souvent question dans les médias de problématiques de santé mentale : dépression, anxiété, burn-out, TDA/H, bipolarité, troubles de personnalité, etc. Il est souvent aussi question du manque de ressources pour ceux qui souffrent. Il faut parfois souffrir à un point pas possible pour obtenir de l’aide, et encore!
 
Il faut souvent un diagnostic pour obtenir cette aide. Pas de diagnostic, pas de services. C’est un peu l’impression que j’ai. Il y a des cotes précises du Ministère de l’Éducation qui donnent accès à des aides externes (ex. logiciels de correction du français, 2/3 du temps pour les examens, examens seul.e plutôt qu’en groupe, etc.) pour les enfants en difficulté. Ces cotes sont mises en place automatiquement, avec un diagnostic.
 
J’assistais à une conférence en fin de semaine sur la maladie d’Alzheimer et le trouble cognitif léger, donnée par Martial Van Der Linden. Il nous disait que, dans les centres actuels de soins, il y a une pathologisation problématique des patient.e.s. Autrement dit, les comportements indésirables du ou de la patiente sont attribués au diagnostic sans chercher à aller plus loin dans la réflexion.
 
Est-ce que le patient oublie ce qu’il a fait, parce que pour lui, ça n’a aucun intérêt ce qui se passe dans sa journée au CHSLD? C'est effectivement l'avis de monsieur Van Der Linden. Il affirme qu’on doit s’orienter vers des milieux de vie qui sont « amis des Alzheimer » au lieu de les isoler et de se dire que tout est foutu pour eux. Il faut aider la personne, la stimuler, lui permettre de se réaliser, peu importe s’il y a un diagnostic ou non. Ses difficultés sont prises en compte, mais sa vie ne se termine pas là.

Je trouve que cette réflexion peut s’appliquer aux autres diagnostics en santé mentale. Je crois que le système de santé actuel traite des symptômes et s’occupe des maladies. Ce n’est pas un système de santé, c’est un système de maladie. Il faudrait effectivement revoir les interventions prodiguées aux patient.e.s. Mais comment?
 
Une autre chose qui m’a marquée, c’est le manque de ressources financières et de temps alloués aux intervenant.e.s pour mieux intervenir. J’ai travaillé dans un CHSLD et dans un hôpital pendant plusieurs années et maintenant je suis en psychologie/neuropsychologie. Ça me frappe toujours autant.
 
Au CHSLD, on avait environ 15 minutes pour faire la toilette d’un.e patient.e. et ça devait être fait absolument le matin. Une de mes professeures appelait ça le « car wash » … C’est horrible, mais c’est un peu ça.
 
Imaginez-vous que vous avez été habitué.e.s à prendre votre douche le soir, toute votre vie pendant 70 ans, et là, un.e inconnu.e vous réveille à 7am pour vous laver en vitesse. Vous vous fâchez. Ça ne s’appelle pas de la désinhibition ça. C’est de la frustration légitime, il me semble! Sauf qu’en même temps, il y a tellement de pression mise sur les employés pour qu’ils aillent vite vite vite, qu’ils soient donc productif.ve.s, que je me demande si ce sont vraiment ces derniers et dernières les coupables…

Quand je travaillais, nous passions souvent outre le code de sécurité recommandé pour l’utilisation de certains appareils, parce que nous n’avions pas le personnel nécessaire pour rencontrer les normes. Ça n’a pas de bon sens, ni pour les patient.e.s., ni pour les familles, ni pour les infirmières et infirmiers et ni pour les préposé.e.s aux bénéficiaires. Comme patient.e., vous êtes un numéro, mais il semble que comme employé.e aussi… C’est profondément triste à mon avis!
 
En psychologie, il semblerait aussi que la santé psychologique ne va pas si bien. Cordonnier.ère.s mal chaussé.e.s? C’est un travail qui demande un grand don de soi, une volonté à aider son prochain. Le principal outil de travail du psychologue, c’est lui-même! C’est cliché vous me direz, mais pour prendre soin des autres, il faut prendre soin de soi. Sauf que, s’il y a des quotas trop élevés de patient.e.s à voir, des patient.e.s qui ne sont simplement pas consulté.e.s, mais qui en auraient grand besoin, qui s’en soucie? Qui refuse d'ouvrir des postes de plus pour les psychologues dans le réseau public? Je vous laisse deviner la réponse…
 
Les listes d’attente sont interminables et, en tant que future neuropsychologue, ça me fait mal de voir ça. Ça me fait mal de voir qu’en tant que société, nous ne nous occupons pas plus que ça de la santé mentale des gens. Aide-toi et le ciel t'aidera. Euh NON!

Mais le nombre de psychologues pour venir en aide est insuffisant. La plupart d’entre eux.elles  sont surchargé.e.s, ne prennent plus de patient.e.s, même au privé. Le mieux serait aussi d’avoir des interventions personnalisées pour les patient.e.s, en santé physique comme en santé mentale, mais comment est-ce possible avec autant de contraintes de temps et d’argent?  
 
Nous sommes constamment en train de mettre des plasters, en en demandant toujours plus à ceux et celles qui travaillent sur le plancher, qui se donnent corps cœur et âme, mais qui n’en font jamais assez. Ça aide un plaster sur une blessure en sang, mais quand c’est l’hémorragie, il vaudrait peut-être mieux réévaluer sa façon de faire non? Pour changer une structure, changer les modes de pensées, il ne suffit pas que de lancer la balle aux intervenant.e.s. Ils et elles sont déjà grandement essoufflé.e.s.

Et qui leur vient en aide à eux.elles?
 
Je tiens à préciser que cela inclut les éducateur.trices spécialisé.e.s, les professeur.e.s, les orthopédagogues, les orthophonistes, les ergothérapeutes, les médecins, les physiothérapeutes et tous et toutes les intervenant.e.s concerné.e.s et travaillant en santé physique ou mentale. Je leur lève mon chapeau. Malheureusement, je ne pense pas que mon chapeau soit suffisant…

 

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