Entrevue de Didier Lucien : parlons d’identité avec la pièce « Ai-je du sang de dictateur? »
Jessica BeauplatJe voulais absolument voir la pièce Ai-je du sang de dictateur? écrite par Didier Lucien, alors pour plaider ma cause, j’ai dit à l’équipe de Ton Petit Look: « Je veux y aller! C’est à cause de lui que je mangeais autant de pogos au secondaire! »
Vous me pardonnerez cette maladroite référence à Bob, son personnage mythique de la série Dans une galaxie près de chez vous, mais il fallait que je sorte l’argument lourd. Le fait est que j’ai tout de suite été interpellée par le titre, qui fait allusion au pays d’origine de mes parents. Didier sera seul sur scène, tantôt pour jouer un personnage inspiré de lui-même, et à d’autres moments pour personnifier l’ancien président à vie de la République d’Haïti, François Duvalier.
Avec l’humour déjanté qu’on lui connaît, on peut s’attendre à une proposition intéressante et surprenante. Je lui ai posé quelques questions, histoire d’en savoir un peu plus avant la grande première.
Dans cette pièce, tu chantes et tu danses. Quand je pense à un dictateur, j’ai du mal à me l’imaginer en train de danser.
Il y a une partie où je m'amuse avec ce personnage, mais ce n’est pas le seul personnage que je joue, la pièce est aussi en lien avec l’exploration identitaire.
Quant à la danse et au chant, il faut voir le contexte pour comprendre. Comment je suis habillé? C’est ça, la question! Ça dépend toujours du contexte.
Comment t’y es-tu pris pour vulgariser un sujet aussi dense, qui peut parfois être lourd?
Je me suis d’abord demandé : « Quel langage je vais lui donner, à Duvalier? »
Je me suis basé sur ses discours. Qu’est-ce qu’il disait aux gens? Le mieux était de prendre littéralement ce qu’il avait écrit. Il s’exprime avec un langage magnifique, que je pourrais comparer à celui de Shakespeare. Quelqu'un qui parle de lui à la troisième personne, c’est tellement étrange que ça devait forcément être quelqu'un d’extraordinaire à jouer.
Je n’aurais pas pu inventer ça, je ne pourrais pas être aussi gros (dans ma personnalité) et dire autant de niaiseries. Un peu comme l’individu d'à côté (chez nos voisins du sud). Il est dur à battre.
Un des personnages est un animateur et documentariste qui se pose beaucoup de questions. Est-ce que ce sont des questions que tu te poses toi-même?
Je me suis posé une question après mon ACV : est-ce que je veux encore faire du théâtre? Oui.
À partir de maintenant, qu’est-ce que je veux jouer?
Je m’étais dit que j’allais parler de ma position en tant que Québécois-Haïtien et traiter du sujet identitaire. Le monde dit : « Didier, t’es Haïtien ou non, t’es Québécois, mais qui suis-je moi? Qu’est-ce que je pense de ça? »
Pour la mise en scène du spectacle, Didier a collaboré avec son acolyte, le comédien et danseur Guillaume Chouinard. Voici un aperçu d’une bromance qui a débuté il y a belle lurette…
Guillaume, quel est ton rapport avec Didier? Est-ce que c’était difficile pour toi de savoir quand être son ami et quand le diriger?
Absolument pas, puisqu’on travaille dans le but de faire le meilleur show pour les gens. Didier est très très humble et réceptif, il n’a pas peur de jeter son stock pour prendre le mien. Il n’y a pas de sentiment de propriété des idées, on suit le show et c’est le règne de la meilleure idée!
Qu’est-ce qui vous a amenés à travailler ensemble?
Didier : Étant donné que j’ai écrit la pièce et que je joue dedans, c’était intéressant d’avoir un œil extérieur. Guillaume et moi, on se connaît depuis l’école et j’adore collaborer avec lui. Il sait comment bouger et il a une bonne idée de l’espace. Il travaille dans le bonheur total.
Guillaume : Ça fait longtemps qu’on se tourne autour. On pense le théâtre pareil. Une fois, on a regardé Roméo et Juliette de Baz Luhrmann ensemble et on a capoté sur les mêmes affaires. C’était une espèce d’évidence, il fallait qu’on travaille ensemble.
La pièce sera présentée du 27 janvier au 11 février. Si aller au théâtre plus souvent figure dans votre liste des choses à faire pour 2017, les billets, c’est par ici.