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Il y a trois ans, je ne suis pas morte
Crédit: iravgustin/Shutterstock

Aujourd’hui, c’est mon anniversaire de trois ans. Trois ans que je ne suis pas morte. Il y a trois ans, j’ai pris la décision, en cours de philo, que ce soir-là, je mettrais fin à mes jours. J’avais mal depuis trop longtemps et je n’arrivais pas à mettre les mots sur mon mal. Il y a trois ans, je me suis assise à mon bureau pour écrire une lettre d’adieux, je me suis mis une belle robe, j’ai noué la corde au plafond et je m’y suis laissée tomber, le cou pris trop haut. Comme dans les films, j’ai laissé la chaise tomber derrière moi et mes pieds pendre dans le vide. Comme dans les films, j’ai eu mal, j’ai suffoqué. Mais contrairement aux fins tragiques, ma mère est arrivée, a crié, m’a décrochée. Ce fut le début d’une longue lutte à la vie.

J’ai essayé d’apprendre à aimer la vie, à m’aimer aussi. Je me suis apprivoisée, lentement, doucement, difficilement. J’ai douté, beaucoup. J’ai eu envie de recommencer. J’ai dû réapprendre à vivre. Encore aujourd’hui, j’apprends à vivre, à aimer la vie, à m’aimer. Pour moi, c’est définitivement le défi ultime de ma vie. Dans ma tête, ça barde, ça cogne, ça saigne, ça pleure, ça rigole et ça aime. J’ai tout un casse-tête à réaliser pour apprendre à être bien. Ça prend du temps, de la patience, des réussites et des défaites aussi.

Trois ans plus tard, le souvenir est toujours douloureux. Je ne fais que l’effleurer dans ma mémoire, je n’y pénètre pas. J’ai peur que cet état d’esprit me rattrape, de me souvenir de ce qu’il y avait dans ma tête au moment où mes pieds n’avaient plus d’appui. J’ai peur de me souvenir de la douleur contre ma gorge. J’ai peur que cette journée se répète, revienne dans ma vie. C’est terrifiant, savoir que mon cerveau est capable de faire ces connexions-là. C’est terrifiant de savoir que j’aurais pu partir à ce moment-là, même si c’était ce que je voulais.

Aujourd’hui, j’ai appris à m’aimer un peu, à accepter que je ne fitterai jamais vraiment dans le moule. Les dépressions me rattrapent, me courent après et j’apprends à prévenir, à éponger, à accepter et à guérir. Aujourd’hui, je commence à avoir un plan de vie, à voir des opportunités qui s’offrent à moi. Je me forge mon chemin à moi, parce que celui des autres ne me fait pas. Aujourd’hui, je me sens un peu au bord du précipice; il faut que je me lance, les yeux mi-clos, dans la vie qui m’ouvre ses bras.

J’ai une famille qui fait de son mieux pour accepter et aider la petite fille qui leur a été donnée. La route est pleine d’obstacles et sinueuse, j’ai souvent l’impression de les décevoir, mais je pense qu’ils sont juste un peu maladroits dans leur façon d’aimer, comme tout le monde. Aujourd’hui, j’ai des amis qui font de leur mieux pour être là, le plus souvent possible. Aujourd’hui, j’ai un amoureux, que j’aime comme je n’ai pas aimé avant : simplement. Le chemin est encore long et bourré d’intempéries, mais j’ai l’impression que je vais être capable. Pour toujours, je m’accroche à l’une des dernières phrases que ma grand-mère m’a dit : « Tu peux tout faire, je le sais que tu vas réussir. »

Si vous avez des envies suicidaires, c'est important d'en parler, de demander de l'aide. C'est possible d'être bien et c'est possible d'aimer la vie. D'ici là, accrochez-vous fort, ça va brasser (pour le mieux). Vous aussi, vous pouvez tout faire, je sais que vous allez réussir.

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