Je ne compte plus les fois où j’ai réécrit ces lignes. On perd le compte à force d’effacer. Réécrire, effacer, réécrire. Se relire. Effacer encore. Adolescente, j’écrivais sur du papier et je finissais les chevilles ensevelies sous les boulettes de récits froissés. À ce jour, je possède encore pas loin d’une douzaine de cahiers semi-entamés aux pages toutes blanches. Parce que je jette systématiquement ce que je crée.
Imaginez comme c’est simple de me débarrasser d’un texte écrit à l’ordinateur. C’en est risible tellement c’est simple. Deux petits clics et… hop! ça a disparu pour toujours! Je peux passer des heures à réécrire un seul paragraphe et à me relire. À scruter chaque mot. Des dizaines de fois. Laissez-moi vous dire à quel point c’est problématique quand je rédige un article.
Là, voyez, je viens de relire ce petit paragraphe que j’ai réécrit trois fois. Je lis ce que je viens d’écrire et je me trouve absurde. Et ben, ben ordinaire. Parce que sapristi, ce n’est pourtant pas sorcier d’écrire un texte de quelques centaines de mots! Ça me fait rager contre moi-même et je fixe mon écran, les mains sur le clavier, mais sans rien taper. Je me sens impuissante face à ma propre colère, face à l’anxiété qui prend de l’expansion.
Quand le calme revient, je fixe toujours mon texte semi-rédigé. Et je hoche la tête en me disant que je ne suis pas assez bonne. Je n’ai pas écrit depuis quelques semaines pour cette simple raison : je me dis que je ne suis pas assez bonne. Est-ce que mon sujet est intéressant? Qui a envie de me lire? Pourquoi me suis-je crue capable d’être collaboratrice pour TPL? Je suis loin d’être à la hauteur du talent des autres collabos! Je n’arrive même pas à dire « collègues », c’est dire à quel point j’ai l’impression de ne pas être assez bien.
J’ai le même sentiment dans ma vie professionnelle. J’ai beau avoir obtenu mon diplôme il y a plus d’un an et m’être certifiée, j’ai encore le sentiment d’être une stagiaire. D’être un imposteur, avec mon DEC en littérature et mon trois-quarts de bac en enseignement du français. Pas une vraie scientifique. Pas une assez bonne technicienne. Même chose avec mes amis, que je ne vois pas souvent. Je ne veux pas les déranger, pas les décevoir. Je m’empêche souvent d’aller prendre un café ou de faire une activité avec eux. Et je me culpabilise, parce que je ne suis pas une assez bonne amie.
Le plus paradoxal, c’est que je sais pertinemment que c’est l’anxiété qui parle ainsi. Que la voix dans ma tête qui hurle « NOT GOOD ENOUGH » lui appartient. Que le doute permanent et la certitude de n’être à ma place nulle part y prennent leurs racines bien creux. Des fois, j’ai même l’impression de ne pas être une assez bonne anxieuse, parce que je peux être super fonctionnelle malgré mon anxiété dans le tapis. C’est irrationnel, mais c’est comme ça.
Mine de rien, je viens de passer ma soirée à rédiger mon article, et je struggle à trouver une fin adéquate et positive. Plutôt que de m’inquiéter de la pertinence de ma conclusion, je vous laisse sur cette vidéo réaliste et réconfortante.
Et vous, avez-vous parfois l’impression de ne pas être assez?