Aller au contenu
Cuisiner : pas seulement une question de temps
Crédit: Anatoly Tiplyashin/Shutterstock. Montage : Jessica Paquin

Cuisiner est accessible à tous et à toutes.

Cette phrase est pour moi comme un grincement d’ongles sur un tableau noir. Une horreur.

Cuisiner, c’est bien trendy. On se félicite de bien manger. Pour être une bonne personne, il faut cuisiner, et ne manger que bio et local. On démonise tout type de produit transformé. On vénère les Ricardo, Gordon Ramsey et Bob le chef de ce monde. Ces hommes blancs privilégiés qui nous disent qu’il est donc facile de cuisiner. Ce culte des émissions culinaires amène certaines personnes à penser que tout le monde peut cuisiner. Pourquoi pas? C’est si facile! Choisir d’acheter des aliments préparés est forcément synonyme de paresse. Les gens qui ne cuisinent pas sont automatiquement shamés. Je trouve cette situation extrêmement problématique.


Crédit : Giphy

Dans notre société, l’accessibilité aux aliments est crissement inégale. Le panier d’épicerie coûte extrêmement cher. Se nourrir d’aliments frais et bio en ayant un faible revenu est très difficile, voire impossible. Parfois, la seule chose nourrissante et qui fitte avec le budget, c’est du Kraft Dinner et du Chef Boyardee. Pis c’est ben correct. Certaines familles doivent utiliser les banques alimentaires. Elles font ce qu’elles peuvent avec les aliments qui leur sont accessibles. L’argument « qu’ils se débrouillent avec ce qu’ils ont, il est facile de cuisiner presque rien! » n’est pas valable. Il est trop souvent prononcé par des gens dégustant leur tartare de saumon hebdomadaire.

Je sais bien que certaines recettes sont simples et faciles à faire. Ricardo me l’a dit. Par contre, je crois qu’il faut aussi avoir conscience d’une chose très simple. Certaines personnes n’ont pas le temps ou l’énergie de cuisiner. Cuisiner un parfait plat digne du guide alimentaire canadien peut être assez tough quand tu es une mère monoparentale, par exemple. Il y a mille et une raisons qui font que ça représente un défi trop gros pour une journée. Toutes ces raisons sont légitimes. De plus, pour cuisiner, il faut savoir comment. C’est un privilège de s’être fait enseigner les rudiments de la bouffe étant jeune. Il faut avoir eu des parents ayant le temps de transmettre. Un moment plus difficile dans certaines familles. Quand on se donne corps et âme pour faire vivre notre petite famille, cuisiner peut être secondaire.

La relation que l’on entretient avec la nourriture peut aussi être tributaire de notre envie de cuisiner. Avoir un trouble alimentaire, c’est hyper complexe. Cuisiner dans cette situation peut devenir un gros monstre anxiogène. Une maladie physique ou mentale peut aussi avoir un impact sur l’appétit et l’énergie. Il peut être assez difficile de cuisiner quand ta petite victoire de la journée, c’est réussir à sortir de ta chambre.

J’ai beaucoup de difficulté à cuisiner. J’aimerais être bonne, mais je trouve ça difficile. Je viens d’un milieu avec des parents qui faisaient leur gros possible pour arriver dans la vie. Ils n’avaient pas toujours le temps de cuisiner des petits plats raffinés après leurs journées de travail. Pis c’est ben correct. Il y a des moments dans la vie où ma famille a été pauvre. Où on mangeait du Chef Boyardee parce que c’était ça qui était accessible. J’ai eu une merveilleuse famille. Mes parents ont sacrifié pas mal d’affaires pour mon frère et moi. Malheureusement, autant de dévotion impliquait aussi ne pas avoir le temps de cuisiner. Je n’ai pas cette culture de la cuisine. J’ai aussi un trouble alimentaire. Pour moi, la nourriture est une pas pire grosse source d’anxiété. J’ai un trouble anxieux qui m’amène souvent à avoir un appétit à géométrie variable. Je cuisine peu et je ne veux pas être shamée pour ça.

Personne ne devrait être shamé pour ça.

Non, cuisiner n’est pas accessible à tout le monde.

Cuisiner est un privilège.

Plus de contenu