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Le fat-shaming ordinaire, une haine socialement acceptée
Crédit: zaroxshyj/Shutterstock

Il y a quelques jours, je me trouvais dans le stationnement d’un dépanneur d’une franchise québécoise quand le contraste d’un autocollant au texte noir sur la carrosserie argentée d’une voiture stationnée a attiré mon attention.

Crédit : Félix Milette 

Bon, c’est pas si pire, dira-t-on. C’est censé être une blague, c’est censé être léger. Pas comme les grosses, qui sont lourdes, on se le cachera pas. Et le char était peut-être modifié pour être si abaissé qu’une grosse qui y prendrait place ferait se râper sur l’asphalte le pare-chocs déjà tellement bas. Dans le fond, l’objet de la plaisanterie, ce ne serait que le dude et les inconvénients liés aux altérations de sa voiture, pas les grosses, non.

Moi, ça fait belle lurette que ce genre de microagression ne me fait pas un pli de plus que ceux que j’ai déjà. Il y a eu une époque où, oui, la jeune moi à l'estime basse aurait vécu la grosse (lol) déprime en constatant qu’un douche ne voulait pas d'elle assise dans son automobile en rase-mottes. Mais aujourd’hui, grâce à des années de désapprentissage et de travail sur moi-même, non seulement un autocollant avec un message comme celui-ci constitue un très apprécié red flag, mais je suis capable d’avoir du recul et une réflexion par rapport à ce genre de manifestation haineuse :

Je doute qu’un autocollant au contenu anti-noir ou antisémite soit aussi facilement accessible d’achat sur Amazon et qu’il y ait un aussi grand nombre d’acheteurs. Les racistes se gardent au moins une petite gêne, faute de quoi ils risqueraient de se faire vandaliser leur véhicule, et avec raison. Mais en parallèle, on dirait qu’aujourd’hui, en 2016, ça reste pas si grave de piler sur quelqu’un sur la base des caractéristiques spécifiques liées à son type de corps, surtout si ce corps est plus lourd, apparemment.

Il faut nuancer. Il serait impensable de comparer sur des bases égales le racisme et le fat-shaming, tout de même. D’ailleurs, l’argument souvent entendu en défaveur de ce genre de rapprochement, c’est que la couleur de peau ou l’ethnicité, on naît avec, alors que le poids, ça se change, donc la personne qui est grosse est responsable de son état et nous donne par le fait même le droit de la mépriser pour son (mauvais) choix de vie.

C’est drôle, car j’ai entendu le même argument provenant de personnes qui croient que l’homosexualité est un choix. Il y a un problème ici. #LesGens commencent à accepter que l'« autre » dont la différence est innée a le droit d’être naturellement dissemblable en paix. Pourtant certains n’ont pas encore enregistré qu’une personne qui a, par opposition, construit sa vie avec des choix qu’ils désapprouvent, a autant le droit de la vivre tranquille telle qu’elle l’entend. Tant que ces choix ne nuisent aucunement à leur propre intégrité ou à celle des autres, où est le problème?

Tout ça pour dire, quelle grosse qui se respecte voudrait embarquer dans ton char trop faible pour sa pesanteur, dude? En tout cas, merci de t’être acheté cet autocollant et de m’avoir inspiré cette réflexion.

Et vous, sur quelles manifestations ordinaires de fat-shaming êtes-vous tombés?

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