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Récit sans censure d’une ex-boulimique : l’enfer vécu
Crédit: Arash Payam/Unsplash

J’ai le goût de faire mon « coming out » sur ma maladie mentale et vous parler de ces années où je feelais tout croche. Années qui ne sont même pas encore derrière moi depuis plus d’un an. Ça fait environ huit mois que je suis clean et, oui, je dis clean parce que la bouffe était une compulsion, une drogue pour moi. J’ai le goût de vous parler sans censure de ce que c’est, vivre un trouble alimentaire, parce que si le récit de mon malheur peut éviter juste une personne de tomber dans le même cercle vicieux que moi, j’aurai réussi quelque chose. Si le récit de mon malheur peut convaincre des gens de s’en sortir avant que le pire arrive, j’aurai peint un peu de beau pis d’espoir sur ce malheur-là.

Ça a commencé en janvier 2011, j’avais 17 ans. J’étais ni grosse, ni mince. Je voulais perdre du poids. Finis, les chips après l’école, les sucreries, les jus. Je m’entraînais un peu. Je ne sais pas quand exactement, ni pourquoi c’est devenu obsessif, mais ça l’est devenu. Je perdais du poids, les gens le remarquaient, me disaient que j’avais l’air en forme. Le chiffre descendait sur la balance et mon rythme de pesée par jour augmentait. J’ai commencé à avoir des journées où je ne mangeais rien, je voulais que l’aiguille baisse encore plus rapidement sur mon pèse-personnes. J’avais des goals et je faisais religieusement le tour de mes membres (poignets, jambes et bras) pour voir où leur circonférence s’était rendue.

En même temps, j’ai commencé à perdre mes cheveux. Des grosses poignées dans le drain de douche. Un petit coup de rien du tout me donnait des bleus immenses. Y’a des journées où je mangeais tellement rien que j’étais high sur ma propre carence en calories. J’ai failli pogner un accident d’auto, d’ailleurs, parce que mon cerveau avait décidé de me lâcher pendant une seconde à 130 kilomètres sur l’autoroute. Il manquait de carburant, t’sais.

La boulimie est entrée tranquillement à travers tout ce manège. Une aussi grande restriction finit bien souvent par entraîner la personne souffrant du trouble de l’autre côté : la compulsion. Et puis, je ne voulais pas mourir de maigreur. Je commençais à sentir mon corps me lâcher.

J’ai commencé à me faire vomir. Après deux, trois fois à devoir laver mes bracelets sur mon poignet droit parce qu’ils se ramassaient toujours enduits de vomi, j’ai décidé de les enlever. À ce jour, je ne porte encore jamais de bracelet sur mon poignet droit, ça me fait juste trop bizarre. J’ai eu plusieurs conjonctivites parce que des résidus étaient parfois projetés sur mon visage et mes yeux quand je me faisais vomir. J’enlevais mes bagues sur ma main droite parce que je me suis blessée le palais une couple de fois. J’avais toujours des bobos sur mes jointures et le dessus de ma main. Ils étaient causés par mes dents qui frottaient sur ma peau quand je les mettais dans ma gorge.

Je pouvais avoir une dizaine de crises par jour. J’ai dépensé plusieurs milliers de dollars en nourriture. J’avais des rituels, des aliments récompenses, des aliments interdits.

Je partais la sécheuse dans mon appart pour pas que ma coloc m’entende vomir dans la salle de bains. J’avais des répliques pour tout, des justifications à toutes les situations. J’étais rendue pro dans l’art de la « petite vite » à la salle de bains, après les repas… Bref, ce sont quelques exemples tristes du quotidien que je vivais avec mon trouble alimentaire, afin de mieux vous faire comprendre la réalité d’une personne qui souffre de boulimie et d’anorexie.

J’arrête mon récit ici. À suivre pour la deuxième partie.

 

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