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Vivre avec une différence, c’est pas une blague : lettre à Mike Ward.
Crédit: Joannie Dupré-Roussel

« Salut Mike Ward. J'ai 30 ans et je suis atteinte de ce syndrome que tu trouves drôle.

J'ai moi aussi un subwoofer sur la tête. Je n'entends pas les commandes à l'auto de A&W, mais j'entends des sifflements dès que je frôle l'objet. C'est à cause d'une vis qu'on m'a drillée dans la tête en 2008. J'suis aussi laitte. J'ai un œil étrange parce que je suis née sans paupière et qu'on m'en a construit une avec les moyens du bord. J'ai la face croche due à une asymétrie. Là aussi, ça nécessite des chirurgies.

Mais je sais, c'est vraiment drôle. Je le sais, parce que plus jeune, je faisais rire beaucoup de gens. Pas nécessairement de plein gré. Souvent, j'aurais aimé être moins comique en fait. Me fondre un peu plus dans la masse, question d'éviter les regards et les moqueries des gens. Pour ces raisons, mon parcours de vie a été particulier et je n'ai pas toujours eu le goût de vivre cette vie-là.

Mike, j'suis certaine qu'être dans ma peau 10 secondes, tu trouverais ça vraiment drôle. Ça te ferait du beau matériel de spectacle. Mais mon syndrome, ce n'est pas de l'humour.

Je cherche encore une beauté alternative à laquelle croire. Malgré tout, je suis mariée à un homme extraordinaire, j'ai des amis en or et je suis comblée.

Aujourd'hui, tu me fâches et m'incites à parler avec cœur, sans choisir mes mots, sans peaufiner mon texte, sans réviser mes fautes d'orthographe. Mais demain, j'vais juste me dire que ton numéro, il est bien triste au bout du compte. »

J’ai largué ce cri du cœur sur Internet la semaine dernière. Les propos de Mike Ward résonnaient en moi et trouvaient écho non seulement dans de sombres souvenirs, mais aussi dans mes craintes de mettre au monde, un jour, un enfant ayant ma génétique.

Toutes les sphères de mon existence ont vibré : la femme que je suis, la future mère que je pourrais devenir, mais aussi l’artiste, celle qui porte un amour incommensurable à la scène et à la liberté de créer.

Le problème de cette cause, c’est de mettre en confrontation la vie quotidienne d’un adolescent aux prises avec une réalité à laquelle il ne peut échapper, et la sphère ludique de la scène, réglée au quart de tour. D’opposer la liberté d’être ce que nous sommes sans faire rire de soi, et la liberté de créer sans avoir un gun sur la tête ou de mettre la hache dans la diversité culturelle. Bref, je ne voudrais pas être le juge qui aura à trancher.

Reste que, cette blague-là, je ne l’ai pas trouvée drôle.

Je suis convaincue que Mike Ward n’est pas un épais et un sans cœur. Son public non plus. Tout est dans la façon de faire. Son personnage d’Henri ne visait personne et rendait la déficience presque attachante. Rire d’un adolescent, le nommer, répéter le numéro de soir en soir, et ce, sans jamais en aviser le principal intéressé, là est le problème.

Qui plus est, qu’est-ce qui nous dit que Jérémy ne se serait pas fait un plaisir de monter sur scène lui-même, avec Mike? 

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