Le titre dit tout. J’avais envie de parler de choix. Le mien, mais aussi celui des femmes autour de moi. Celles qui se couvrent la tête, celles qui refusent, celles qui essayent à petite dose, juste pour voir, pour comprendre leurs semblables.
Les motivations sont diverses. Reste que derrière chaque décision se cache une histoire. Un récit qui mérite d’être écouté, ne serait-ce que pour justement établir ce pont entre les communautés. Je pense qu’il était important que je profite de ma tribune pour laisser parler ces femmes. Leurs récits illustrent ce qu’il y a à mon humble avis de plus beau et vulnérable chez l’humain : le doute, la quête, l’identité.
Alors voici trois femmes, trois façons de voir le hijab, trois perspectives, trois évolutions.
Quand son identité passe par le voile
Je suis marocaine. Mon père est très religieux, ma mère est, disons-le ainsi, un esprit libre. Je viens d’un milieu aisé. J’ai fréquenté des écoles françaises (Maroc), américaines et canadiennes. Vous l’aurez deviné, j’ai aussi beaucoup voyagé. J’ai grandi dans une bulle, une sorte de cocon. Il m’arrivait parfois de me sentir comme une touriste dans mon propre pays. Déjà là, ce sentiment de ne pas être à ma place faisait son chemin. Et je dois avouer que je vivais mal avec ce conflit. Identitairement parlant, j’étais déconnectée de mon pays, le Maroc.
Après la tragédie du 11 septembre, les choses se sont gâtées. J’ai senti que le Maroc était envahi par une vague traditionaliste. En ce temps de crise, je crois que le peuple était à la recherche de sécurité, de réconfort. Il voyait dans la religion un moyen de s’unifier. Cet évènement jumelé à mon inconfort social a été l’élément déclencheur de ma réflexion. J’étais croyante, pratiquante, mais je n’avais pas encore fait le saut. De toute façon, dans ma famille, il était inconcevable que je porte le hijab. Pour mes parents, eux qui étaient éduqués et nantis, il était impensable que leur fille veuille se couvrir la tête, et ce, de son plein gré.
Et pourtant…
La première fois, j’avais 15 ans. Je vivais à Montréal dans un pensionnat. J’allais à une école privée catholique dont la majorité des élèves étaient québécois. Encore là, je n’avais pas l’impression de fitter. J’ai commencé à fréquenter le centre communautaire de Côte-des-Neiges. Et c’est dans ce tourbillon, entre le déracinement, mon adaptation à Montréal et ma recherche identitaire que j’ai décidé de me voiler. D’un côté, on me félicitait et de l’autre on me méprisait. À mon retour au Maroc, j’ai abandonné l’idée.
Ce n’est qu’à mes 17 ans, lors de mon passage en Arabie Saoudite, après quelques mois de rébellion à porter des jupes courtes, que je me suis tournée encore une fois vers le voile. En fait, mon enseignante de langue arabe était très pieuse. Je l’admirais énormément, elle qui était à la fois voilée, instruite et indépendante financièrement. De retour de nouveau au Maroc, je l’ai porté durant trois mois. Puis un jour, je suis tombée de mon vélo. Mon foulard s’est retrouvé sur le sol. Personne ne m’a aidée. Toutefois, une vieille dame a pris la peine de ramasser mon voile et de me couvrir la tête avec.
Ce geste banal m’a dégoûtée. J’ai compris que ce voile que je tenais tant à porter ne correspondait pas à mes valeurs. À ce moment-là, j’ai su que plus jamais je ne me couvrirais les cheveux. Ce désir ardent de faire partie d’une communauté, de faire partie d’un groupe est toujours présent. Cette quête identitaire aussi. Par contre, le voile ne m’a amené ni la sérénité, ni le sentiment d’appartenance que je recherchais. Je ne le portais pas par conviction, mais bien pour combler un vide. Pour trouver un point d’ancrage dans une société où je me sentais totalement exclue. Et ça, j’ai mis longtemps avant de le comprendre. Certains vous diront que mon choix a été guidé par les mauvaises raisons. Peut-être. Néanmoins, je crois que personne n’est en droit de juger le cheminement spirituel d’autrui.
Aujourd’hui, je ne pratique plus, mais je suis tout de même croyante.
Que pensez-vous de l’histoire de Samira?
N.B. Le nom a été changé pour préserver l’anonymat.