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Je me suis presque fait violer hier et je n’ai rien fait
Crédit: Unsplash

Depuis que je suis féministe, ma vie sexuelle se porte infiniment mieux. J'ai appris non seulement à explorer différents kinks (ou même simplement mon propre corps et plaisir) sans honte, mais surtout j'ai appris beaucoup sur le consentement et sur mon droit inaliénable de dire non.

Ça peut paraître étrange à lire, mais plus jeune j'étais convaincue que dans certaines instances, j'étais obligée de céder; par exemple si j'avais d’abord flirté avec la personne. Aussi, j'ai toujours eu de la difficulté à dire non parce que j'ai été élevée par un père abusif qui m'a retiré toute notion de droit à une quelconque intégrité de ma personne. J'ai donc été particulièrement vulnérable et l'adolescente que j'étais en a incroyablement souffert, jusqu'au jour où j'ai commencé à m'intéresser au féminisme et à tranquillement me réapproprier mon corps et ma sexualité.

Ainsi, j'ai commencé à être moins souvent victime de viols, parce que justement, j'avais plus de notions et d'outils pour me protéger. Pourtant, hier, j'ai presque été violée et ça m'a pris une journée entière avant de me l'avouer et de réagir. J'avais passé une agréable soirée avec cet homme que je fréquentais depuis deux ou trois semaines. Comme à son habitude (et qui était déjà un redflag), avant que l'on couche ensemble, il a encore tenté (en vain, merci le féminisme de m'avoir appris à dire non!!!) de me convaincre de laisser tomber le condom. Il savait donc très bien que j'étais catégorique sur son utilisation et pourtant au milieu de la nuit, alors que je dormais, il a tenté de s'introduire en moi sans protection.

Je me suis réveillée à temps pour le pousser et il a tenté de se justifier puis s'est excusé, mais moi je ne voulais plus être là. Je suis quand même restée, parce que j'étais emplie de doute. Il semblait sincère dans ses excuses. Je n'étais pas certaine, je me sentais mal, je n'avais pas envie de prendre l'autobus à 3h du matin et il habitait vraiment loin. Mais j'étais très inconfortable. Il est finalement parti travailler, et j'ai quitté son appartement quelques heures plus tard, toujours aussi incertaine.

Je le savais au fond de moi que ma première réaction a été la bonne : j'aurais dû partir immédiatement. Mais, encore une fois, je me sentais incapable, face à un homme, de me choisir moi-même. Encore une fois, des années des conditionnements sexiste et abusif ont pris le dessus sur ma sécurité.

Ce sont ça, les effets pervers de notre société misogyne (dans mon cas couplé à des années d'abus parentaux) : c'est jusqu'à notre instinct de survie qui est brouillé, notre petite voix intérieure qui crie quand nous sommes en danger est coincée à mute. Et même si le féminisme m'a énormément aidée à apprendre à écouter les signes précurseurs, il est tout de même tellement difficile d'agir sur le coup.

À la place de « fight or flee », on dirait que je reste stuck à « freeze ». Et c'est aussi frustrant qu'effrayant. Cette nuit-là, je n'ai heureusement pas été violée, mais c’est passé proche et je suis tout de même déçue d'avoir figé et d'être restée couchée, bien que rigide et distante. Le soir même, avec le recul, je lui ai envoyé un message lui disant qu'on ne se reverrait plus et que je souhaitais qu'il m'envoie mon chargeur oublié chez lui par la poste. Il m'a répondu  « are you for real? ». Oui. Fuck you. Fuck les « bons gars » qui passent près de me violer. J'ai décidé de ME choisir. Un peu en retard, peut-être, mais jamais trop tard.

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