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Loud shaming : une nouvelle manière de faire taire les femmes?
Crédit: Oleg Laptev/Unsplash

On va se le dire, nous n’en sommes pas au premier shaming accolé aux femmes. Fat shaming, body shaming, slut shaming et j’en passe. Trop grosse, trop mince, trop sexy, pas assez sexy : mieux vaut disparaître, un coup parti. Bref, vous serez d’accord avec moi que les jugements agglutinés aux femmes sont durs, multiples, et les attentes, irréalistes. Dans ce billet, j’ai envie de vous parler d’un shaming probablement moins nommé, mais qui pourtant, est bien présent : le loud shaming. Je gage une bière que vous avez déjà entendu une des phrases suivantes :

« Voyons, elle se prend pour qui, elle! » 

« Elle parle trop. » 

« Elle veut juste se faire remarquer. »

« Mal baisée! »

 

Ce n’est jamais vraiment un compliment lorsqu’on dit d’une femme qu’elle est bruyante ou qu’elle prend trop de place. Ou serait-elle trop confiante pour les gens qui l’entourent? Une menace pour le patriarcat? Parce qu’une femme qui s’exprime, la voix bien portante et pleine de conviction, même si je trouve ça sexy et souhaitable, c’est souvent perçu comme agressif et arrogant.

 

La savoureuse vidéo « Be A Lady They Said » avec la narration de Cynthia Nixon, qui est devenue virale au début de l’année, en fait d’ailleurs mention, incluant plusieurs autres types de shaming, de jugements à toutes les trempettes et d’exigences contradictoires auxquels la femme est constamment confrontée. C’est une vidéo qui frappe, tant par sa justesse que par sa force. Si ce n’est déjà fait, allez l’écouter; ce sont trois minutes très bien investies.

« Don’t talk too loud, don’t talk too much, don’t be intimidating […] Don’t be a bitch, don’t be so bossy. […] Don’t yell. »

 

Personnellement, j’ai tendance à m’analyser trop beaucoup. J’essaie de m’en libérer, mais ce n’est pas si évident parce que le conditionnement est bien présent. Est-ce que je parle trop? Est-ce que je suis trop dure? Est-ce que je garde assez mon sang-froid? Est-ce que j’ai l’air effronté? Je vous gage une deuxième bière qu’en général, les hommes ne s’en font pas autant. Les femmes sont conditionnées à ne pas faire trop de vagues, parce qu’une femme qui dit tout haut ce qu’elle pense, ce n’est pas perçu comme désirable. Oui, la situation s’améliore. Non, elle n’est pas encore parfaite.

 

En contrepartie, je trouve divine notre sensibilité dite « féminine »; tous ces aspects de notre personnalité qui réfèrent à nos émotions et que la société accepte plus facilement chez les femmes que chez les hommes (ce qui crée d’autres problèmes, d’ailleurs). Je suis convaincue que ces questions que l’on se pose et notre empathie apportent un petit plus à l’humanité. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’apprécie énormément travailler avec des femmes, en général. 

 

Toutefois, cette sensibilité ne devrait pas nous empêcher d’exprimer notre désaccord, de lever le ton, de confronter, dénoncer, insister et revendiquer. Tout ça peut d’ailleurs se faire dans le respect, de soi et des autres. J’aimerais rappeler à tout le monde, et surtout aux femmes, que nous n’avons pas la responsabilité du confort des autres chaque heure du jour; nous n’avons pas à avoir peur d’exprimer notre vérité. Les autres géreront l’information comme ils le veulent; cela ne nous appartient pas. Autrement dit, qu’ils nous « loud shame » s’ils le veulent, mais ils ne peuvent pas nous faire taire.

 

Je vous laisse sur quelques citations tirées d’un article de The Guardian intitulé In praise of loud women – the joy and power of being noisy and female.

« In everyday life, there is still something uncomfortable for a woman about being called loud, because the implication is that a) you don’t care about the people around you (otherwise, why are you making them feel uncomfortable?) and b) you don’t care what other people think about you. […] (“Who do you think you are? Beyoncé?”). »

[Traduction libre: «Dans la vie quotidienne, il y a encore quelque chose d’inconfortable pour une femme qui se fait dire qu’elle est bruyante, parce que cela implique que a) tu te fiches des personnes autour (sinon, pourquoi les rends-tu inconfortables?) et b) tu te fiches de ce que les autres pensent de toi. […] (« Pour qui tu te prends? Beyoncé? »)»]

« The reality, of course, is that the expression: “He is a loud man,” does not exist. Certainly, I have never heard anyone say it. […] Loud is a code that says to women: “Please stop doing that.” » 

[Traduction libre: « La réalité, évidemment, est que l’expression « C’est un homme bruyant » n’existe pas. En tout cas, je n’ai jamais entendu quelqu’un le dire. […] Bruyant (« Loud ») est un code qui dit aux femmes: « Arrêtez de faire ça s’il vous plaît. » »]

 

Je n’aurais pas pu mieux dire. Est-ce que vous êtes une « loud woman »?

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