10 raisons pour lesquelles la mode rapide gagne et 10 raisons pour lesquelles elle échoue

Un T-shirt qui coûte moins cher que votre café au lait du matin a quelque chose d’hypnotique. Il fait croire à votre cerveau qu’il ne dépense rien du tout, juste de l’argent de poche. De plus, les offres « un pour un, un pour la moitié » vous donnent l’impression que les bonnes affaires sont trop belles pour être laissées de côté.

Chaque semaine, voire plus, une nouvelle ligne de vêtements est lancée. Si la mode suivait autrefois les saisons, elle suit aujourd’hui le cycle de la dopamine dans notre cerveau, dans une session sans fin de thérapie par le détail. L’effervescence ne s’arrête jamais, et c’est exactement le but recherché. Vous êtes encouragé à ne jamais cesser d’enrichir votre garde-robe.

Disons que vous voulez un haut à paillettes pour la fête costumée d’une amie, ou une tenue d’Halloween que vous savez que vous ne porterez qu’une seule fois. C’est fait. La mode rapide est la malle à déguisements de l’âge adulte. Elle fournit à l’infini des tenues bon marché qui peuvent être reléguées au fond du placard après une seule soirée.

Instagram récompense le look effronté et exagéré au détriment du calme et du confort. La mode rapide se nourrit de votre besoin de nouveauté qui sera bien photographié. Autrefois, les gens se contentaient d’un seul maillot de bain, voire de deux. Aujourd’hui, vous avez besoin d’une série de tenues pour chaque photo que vous prévoyez de télécharger sur les médias sociaux. Il s’agit d’une tenue pour la grille, pas pour le placard.

De nombreuses marques de haute couture ignorent les personnes qui dépassent la taille 6. La fast fashion, elle, veut tout le monde, et ses rayons le prouvent avec des tailles allant du XS au XXL. Leur message est clair: quelle que soit votre morphologie, il y a un vêtement pour vous.

Une marque haut de gamme lance une veste à Paris, vendue à plus de mille dollars. Deux semaines plus tard, une version étrangement similaire apparaît au centre commercial pour une fraction du prix. Les consommateurs peuvent ainsi profiter de l’allure de la veste sans en payer le prix exorbitant. Et ne nous voilons pas la face, nous savons que la version authentique est loin de coûter ce qu’ils demandent pour la fabriquer.

Il fut un temps où le luxe n’était accessible qu’à ceux qui pouvaient se l’offrir. Aujourd’hui, la robe en fausse soie brillante et les bottes en faux cuir donnent l’illusion de ces matériaux coûteux sans l’étiquette de prix. Ce n’est que de la poudre aux yeux, mais l’illusion fonctionne. Pour le prix d’un dîner, vous avez l’impression de porter quelque chose de spécial.

Il y a quelque chose de primitif dans le fait de rentrer à la maison avec des sacs remplis de vêtements, comme si nous étions victorieux de la chasse du jour. Des genres entiers de YouTube existent pour montrer ce que les gens ont acheté chez Zara ou Shein cette semaine-là. Le même instinct qui poussait les armées à piller nous pousse aujourd’hui à acheter des montagnes de vêtements.

Faire défiler des murs numériques de vêtements en ligne est la nouvelle pause cigarette. C’est une distraction, un moyen de tuer dix minutes et de profiter d’un petit pic de dopamine dans l’attente. Et de temps en temps, l’ennui se termine par un bouton « checkout now » et trois mois de paiements sans intérêts.

La fast fashion vend plus que du tissu, elle vend de la réinvention. Aujourd’hui, vous êtes bohème. Demain, vous serez minimaliste. Samedi soir, vous serez peut-être un punk rocker. Le fait d’avoir une infinité d’options à portée de main renforce l’idée que l’identité (du moins l’identité superficielle) est bon marché, jetable et facile à remplacer.

Voici dix raisons pour lesquelles la mode rapide est en train de s’effondrer.

Après un seul lavage, le pull rétrécit à la taille d’un enfant et la paire de jeans indigo s’éclaircit d’une teinte. Les gens ne tardent pas à se rendre compte qu’ils paient moins cher pour les vêtements, mais plus cher pour les pièces de rechange. Le bon marché n’est pas toujours synonyme de valeur.

Au Ghana, des montagnes de vêtements occidentaux jetés se déversent dans les rivières, obstruant les cours d’eau. Dans le désert d’Atacama, au Chili, des piles de vêtements invendus sont littéralement visibles depuis l’espace. Il est impossible d’ignorer l’ampleur des déchets une fois qu’on les a vus.

Peut-être avez-vous entendu parler de cette usine qui s’est effondrée au Bangladesh il y a quelque temps ou de ces travailleurs de Leicester qui gagnent moins que le salaire minimum. Peut-être pas. Pendant des années, les consommateurs n’ont pas posé de questions, mais les photos d’ateliers de misère exigus sont désormais omniprésentes, montrant le véritable coût humain de la mode rapide.

Toutes les marques contemporaines prétendent aujourd’hui avoir une ligne verte ou écologique. Mais lorsqu’une robe en polyester recyclé contient encore des microplastiques ou que ces bottes sont assemblées avec de la colle toxique, la promesse commence à sonner creux et à manquer de sincérité. Et les gens remarquent l’hypocrisie.

Il suffit d’un navire bloqué dans le canal de Suez ou d’une pandémie pour que, soudain, les envois en vrac n’arrivent plus dans un jour ou deux. Tout le système repose sur la contrainte, qui ne fonctionne pas aussi bien lorsque nous disposons d’une semaine ou deux pour réfléchir à notre achat.

Les mentalités évoluent en matière de mode. Alors qu’autrefois, les gens appréciaient la nouveauté, ils se vantent aujourd’hui de leurs trouvailles dans les friperies et de leurs achats vintage. Porter quelque chose de fast fashion commence à être stigmatisé, et bon marché ne signifie plus abordable.

Lorsque vous voyez la même robe à fleurs sur six personnes lors d’un brunch, le charme de votre dernier achat est rompu. L’individualité est difficile à simuler lorsque les rayons sont produits en masse.

Lorsque les champs de coton sont vidés de leur eau et que les teintures industrielles colorent les rivières en bleu toxique, il est difficile de prétendre que la mode rapide est une force bénigne dans notre monde. La pollution industrielle n’est pas un problème abstrait; elle tue des poissons, des agriculteurs et des écosystèmes entiers.

La mode rapide n’est plus aussi bon marché qu’il y a quinze ans. Une chemise qui coûtait 9 dollars en vaut désormais 19, mais les coutures sont tout aussi fragiles. Le calcul n’est plus aussi séduisant et les gens se demandent s’il ne vaut pas la peine de dépenser un peu plus pour avoir quelque chose de qualité qui dure.

À un moment donné, les piles de vêtements commencent à prendre plus de place que nous n’en avons. Nos placards se remplissent en même temps que nos tiroirs, et nous avons alors recours à des sacs de chemises sous notre lit. Finalement, c’en est assez.