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Se sentir oubliée en temps de COVID
Crédit: Unsplash / Priscilla Du Prez

Je me sens oubliée. Voilà, c’est dit. Ouf. Je dois vous avouer que ça pèse vraiment lourd depuis quelques semaines, et c’est pire depuis quelques jours. J’étudie en ce moment à l’université et je me sens oubliée un peu dans toute cette crise. Je sais bien que nous, jeunes étudiants en santé, ne sommes pas la priorité. C’est très correct comme ça. Je ne demande pas la pitié de qui que ce soit avec ce billet, ni de traitements spéciaux. Ce n’est pas mon objectif. Mon but est plutôt de me sentir entendue, écoutée peut-être un peu. Juste une fois, juste cette fois-ci. Et de partager mon expérience, savoir que je ne suis peut-être pas la seule à ressentir ce que je ressens.

Voyez-vous, en septembre, j’ai effectué ma rentrée scolaire à distance. Ce n’était pas facile, abeille sociale que je suis, mais ça a somme toute été correct. J’ai tous mes manuels, que j’ai commandés en ligne pour la première fois; c’est vraiment un bon service que m’offre ma coop universitaire! J’ai aussi réaménagé mon bureau à mon appart: il est extra cozy et prêt à m’accueillir chaque matin, jusqu’à… Ben, jusqu’en avril. 

Et c’est ici que ma balloune a pété. Parce que je me fais de bien belles illusions quand je décris cette rentrée « correcte ». Non. Ç’a été vraiment éprouvant. Je me lève seule chaque matin, je m’assois devant mon écran et j’écoute jusqu’au mal de tête. Je regarde jusqu’à ce que mes yeux picotent trop. Je reste assise jusqu’à ce que mon dos m’élance de douleur. J’essaie vraiment fort de prendre de belles notes comme je le faisais en classe dans les dernières années. J’essaie de manger trois repas par jour alors même que j’ai l’impression de dépenser en calories l’équivalent d’une pomme et quelques grains de riz blanc.

Mais je m’accrochais, parce que ce n’était « qu’une petite session, juste 15 semaines, puis je retourne en classe, je revois des gens, je quitte le monde virtuel ».

Puis, la semaine passée, on nous a appris que la session d’hiver serait tout autant à distance. Je vais vous avouer que mon premier réflexe a été d’aller vérifier quelle est la date d’abandon sans mention d’échec pour la session en cours. Puis, la date limite pour payer les frais de ma session d’hiver. Parce que j’ai vraiment envie d’abandonner mes études.

Le virus fait des ravages. Nos CHSLD en ont été la preuve, notre système de santé essoufflé peine à se relever. Les petites entreprises tombent comme des mouches. La maladie, qu’on tente de freiner, pourrait laisser des séquelles dont on n’a aucune idée encore. Plusieurs se demandent s’ils vont réussir à se payer un repas complet la semaine prochaine.

Dans toute cette frénésie, ces difficultés, mon petit nombril se sent oublié. Égocentrique et égoïste de même. Nous, étudiant.e.s qui aimons la vie, qui voulions croquer dans ces dernières années où on se sent invincibles, nous sommes pris.es à rester chez nous, enfermé.e.s derrière un écran qui abrutit nos cerveaux qu’on voudrait en pleine ébullition, prêt.e.s à bâtir le monde de demain. Je me sens oubliée.

Et il est un peu là le problème. à mon âge, on ne le voit pas le danger. Maudit, on est plusieurs à pas trop vouloir se protéger dans nos relations sexuelles. Pourquoi on aurait peur d’un virus qui, statistiquement, est plus dangereux pour les « vieux ». C’est normal que le gouvernement nous reconfine, qu’il nous impose indirectement la quarantaine en enlevant nos raisons de sortir.

Parce que la première chose que mes amis et moi avons faite quand le confinement a été assoupli cet été, ça a été de nous réunir pour un BBQ. Combien d’entre nous, jeunes étudiants, sommes allés fêter dans les cours arrières de nos amis? Combien sont allés dans les apparts des collègues pour se voir et prendre du bon temps? Évidemment, c’était permis à ce moment-là, en respectant quelques règles.

Et je comprends toutes les personnes qui ont sauté sur l’occasion. Parce qu’on en avait tellement besoin. On a aussi envie de vivre notre vie, notre jeunesse. Tout le monde nous le répète depuis notre naissance; il faut vivre nos jeunes années, profiter du cégep/de l’université, parce que ça passe vraiment vite. Croyez-moi que derrière un écran, chaque minute est d’une lenteur infernale, et pourtant, j’ai l’impression d’avoir perdu presque 7 mois de mes quelques années de jeunesse. Ces mêmes années qu’on me dit de déguster avant qu’elles passent… 

Bref, je me sens oubliée dans mon petit appart à écouter des profs qui tentent tant bien que de mal de nous remotiver. Je me sens seule quand j’appelle ma soeur qui a eu une journée remplie à son école secondaire, entourée de ses pairs. Mais je suis bien inquiète quand je sais que mes parents se rendent à l’hôpital pour travailler et que je vois nos cas de COVID augmenter. Je suis bien fâchée de voir les publications sur les réseaux sociaux où des jeunes se réunissent… Je suis aussi jalouse, parce que ma vie sociale me manque.

Je suis comme prise dans ce cercle où je suis impuissante alors qu’on me demande justement de rester chez moi parce que ma seule présence semble être une menace. 

Alors, je tourne en rond dans mon appart et dans ma tête, en attendant qu’on nous trouve une solution, pour nous, mais aussi pour tout le monde. Je ne veux pas mettre les autres à risques, mais je ne veux pas non plus que ce soit au prix de ma santé mentale.

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