Nous avons quitté, lors du déconfinement en France, un lieu où ma famille vivait depuis un peu plus de 70 ans. Ce lieu a vu passer les nuits de mes arrière-grands-parents, de mes grands-parents, de ma mère puis enfin, de mon frère et moi. Il est ce que j’appelle mon lieu préféré au monde, my happy place, et j’ai un petit pincement au cœur quand je me rends compte que mon neveu, tout juste né, ne connaîtra pas cet endroit.
Avez-vous déjà eu un lieu préféré? Celui vers lequel vous allez toujours, celui que vous avez envie de faire découvrir au monde, celui qui vous donne des émotions lorsque vous y allez? Moi oui, j’en ai un. Enfin, j’en avais un.
J’ai senti que plusieurs personnes ne comprenaient pas mon émotion à quitter ce lieu. C’est vrai que lorsqu’on y pense, c’est simplement une clôture, avec un jardin et deux maisons accolées. Néanmoins, cet endroit n’est justement pas un lieu ordinaire, il est bien plus que ça. Je dirais même que c’est un peu un membre de la famille, en fait. Son intérêt réside finalement dans ce qui l’entoure, j’ai nommé: son (immense) jardin.
C’est d’ailleurs comme cela que toute la famille appelle cet endroit : «le jardin». Autrefois terre agricole, il fut un incroyable terrain de jeu durant toute mon enfance. C’est un lieu paisible, entouré de nature, dans une ville moyenne. On s’y sent seul au monde, comme si jamais personne n’allait venir nous importuner. L’endroit rêvé pour une méditation. C’est aussi le lieu de mes premières bêtises, des cabanes dans les arbres, des cache-cache nocturnes et des recherches archéologiques quand on se prenait pour Indiana Jones. Ce lieu, c’est celui où j’allais en premier lorsque je rentrais de Montréal. Évidemment pour voir mes grands-parents, mais aussi parce qu’il est mon endroit favori et que rentrer chez moi, comme on dit, c’était aller là-bas.
À l’arrivée de ma famille, ce lieu possédait déjà une histoire, ce qui m’a toujours passionnée. On y trouve des platanes et un figuier vieux de plus de 100 ans, un banc en pierre tout aussi vieux et retrouvé perdu au milieu de roseaux, des casques de militaires de la Première Guerre découverts après une inondation (d’où les recherches archéologiques) et tant d’autres choses. Mes arrière-grands-parents y ont amené l’électricité, la salle de bain était à l’extérieur pendant longtemps et il n’y a jamais eu Internet.
Cet endroit, c’est celui où j’ai vécu une bonne partie de mes étés et tous mes samedis soirs, de ma naissance jusqu’à mes 18 ans environ. C’était le lieu idéal pour tous les enfants et les grands enfants que nous sommes restés. Mais toute bonne chose a une fin et même si nous étions tous émotifs lors du départ, j’ai l’impression que c’est le symbole de l’entrée dans une nouvelle ère.
J’ai quitté mon endroit préféré au monde il y a peu et cela souligne finalement une étape importante de ma vie. Avec la crise de la COVID-19, où les repères ont été chamboulés, j’ai vraiment l’impression que cette période marque un tournant. Je n’étais déjà plus une petite fille, mais je crois que le déménagement vient clôturer véritablement le chapitre. C’est la promesse d’un renouveau et de nouvelles habitudes.
Je vous souhaite à tous d’avoir ce fameux « endroit préféré », celui dans lequel vous vous sentez réellement bien. De mon côté, je l’ai donc quitté il y a presque deux mois et j’espère que les nouveaux propriétaires aimeront autant que ma famille ce lieu si cher à mes yeux. Longue vie à toi, jardin, c’était cool de vivre un bout de ma vie chez toi.
Avez-vous un endroit préféré? Il ressemble à quoi?