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7 propos importants abordés dans le balado La politique des putes
Crédit: Hanna Postova/Unsplash

L’écoute du balado La politique des putes est riche et nécessaire. Il expose notre putophobie et déconstruit des préjugés très tenaces sur le travail du sexe. Pire, il expose notre prétention à comprendre ce que vivent les travailleur.se.s du sexe (TDS), ce qui est bien ou mal pour iels. Mais qui sommes-nous? Iels en pensent quoi, les principaux.les concerné.e.s? 

On gagnerait tellement à être plus à l’écoute. Sans chercher à être en réaction continuelle. Sans chercher à avoir une opinion sur tout. Parce non, tous les avis ne se valent pas. Bref, j’avais soif de me taire et d’écouter. Ça a d’ailleurs été très nourrissant et éclairant. 

Toujours est-il que le balado est animé par le comédien et réalisateur trans Océan; il nous offre un contenu immersif dans lequel il tend le micro à des TDS qui nous parlent de vulnérabilité, précarité, injustice, marginalisation, violence, discrimination, mais aussi, solidarité, sororité, amour, choix, activisme, indépendance et empowerment.   

Lors de l’écoute de ce bijou de balado, 7 propos ont particulièrement marqué mon esprit et je vous les présente ici. 

 

1. Les deux camps s’entendent sur la lutte contre l’exploitation sexuelle

Avant la lecture de cet article, une chose doit d’abord être mise au clair : que nous soyons du camp de l’abolition ou de la décriminalisation du travail du sexe, tou.te.s luttent contre l’exploitation sexuelle, la traite des personnes et le proxénétisme

Seulement, les personnes luttant pour la décriminalisation souhaitent justement un système où les personnes qui veulent s’en sortir ne sont pas stigmatisées et n’ont pas peur d’être mises en prison. Elles souhaitent qu’elles aient accès aux services, aux soins et à la sécurité adéquate, sans jugement.

 

2. Nous sommes tou.te.s coupables d’hypocrisie

Savez-vous où le travail du sexe commence et où il s’arrête? Faire plus de pourboire dans un resto grâce à son physique, est-ce du travail du sexe? Se faire demander par ses patrons de bar de s’habiller sexy ou d’entretenir le fantasme de sexe auprès des clients, est-ce du travail du sexe? Recevoir de l’argent de compagnies sur les médias sociaux parce qu’on est désirable et qu’on vend, est-ce du travail du sexe? Faire l’amour sans désir mais par peur qu’iel nous laisse, est-ce, encore une fois, du travail du sexe? Bref, la ligne est très mince. 

Et pour celleux qui, comme l’écrivait mon collègue, dénoncent la prostitution, mais consomment de la pornographie à qui mieux mieux, n’a-t-on pas là un bel exemple de double standard?

 

3. Le désir et le consentement ne sont pas synonymes

Là-dessus, j’ai beaucoup changé ma perception. Dans ma tête, pour être consentent.e, on devait avoir du désir. Donc, dans ma tête toujours, on ne pouvait pas être prostitué.e et être consentant.e. Et pourtant… Dans le balado, une TDS fait un parallèle : qui n’a jamais eu de relations sexuelles avec leur partenaire sans avoir le désir dans le tapis, mais tout en étant consentant.e, que ce soit pour faire plaisir à l’autre ou pour quelque raison que ce soit? 

C’est un peu pareil avec le travail du sexe. Il n’y a peut-être pas de désir, mais s’il y a consentement, où est l’enjeu? Et je dis bien, si et seulement si consentement il y a.

 

4. La notion de choix est une notion de privilégié.e.s

Lorsqu’on parle des TDS, le questionnement qui revient toujours est s’iels ont « choisi » ou pas de faire ce métier. Dans le balado, on comprend vite que d’abord, on ne peut jamais parler de choix, parce qu’à la base, on n’a pas vraiment le choix de travailler. Alors, nécessairement, ce n’est pas un choix de se prostituer. 

Deuxièmement, on réalise que la question de choix est bourgeoise. Peu de gens ont le choix de leur travail, que ce soit faute d’éducation, à cause de leur contexte socio-économique ou autre. Puis, dans une société où une personne sans statut ou sans éducation peut difficilement vivre riche, quel choix reste-t-il à cette même personne qui ne veut pas vivre pauvre toute sa vie? Pensez-y : travailler à la sueur de son front, au salaire minimum, à 40 heures par semaine, et rester sous le seuil de la pauvreté… Ne serait-ce pas ça aussi, de l’exploitation?

Au contraire, pour certain.e.s TDS, c’est vraiment un choix et iels demandent à ce que ce soit respecté, comme n’importe quel travail. 

 

5. L’exploitation est… partout

Comme mentionné plus haut, il n’y a pas seulement de l’exploitation lorsqu’on parle de travail du sexe. L’exploitation est présente dans tous les milieux. En réalité, le système capitaliste est basé sur l’exploitation d’une majorité pour enrichir une minorité et alimente la roue insidieuse de la croissance infinie, des profits, de la performance et de l’épuisement, toujours plus présent. 

D’ailleurs, le balado donne la parole à Anaïs De Lenclos, ancienne cadre en entreprise qui, après deux burnouts, démissionne et s’oriente vers le travail du sexe. Si vous voulez écouter son témoignage, c’est par ici. 

 

6. Certaines décisions gouvernementales mettent en danger les TDS

La politique des putes met en lumière les lois américaines et françaises obligeant les plateformes numériques à supprimer les comptes des TDS. Anciennement, ces plateformes n’étaient pas tenues responsables des activités illégales de leurs utilisateurs. Aujourd’hui, elles en sont responsables et peuvent être pénalisées. Résultat : les TDS n’ont plus de plateforme.

Pourquoi une telle loi? Parce que les gouvernements croyaient qu’ils allaient réussir à stopper le trafic des personnes et freiner le travail du sexe en pénalisant les clients. Cela dit, a contrario, le trafic n’a jamais cessé ET ces lois s’avèrent plutôt nuisibles aux TDS. 

Avant, les TDS avaient accès à des plateformes d’entraide, iels pouvaient communiquer ensemble, par exemple pour dénoncer un client dangereux. Il y avait une trace, un suivi. Maintenant, iels sont plus invisibilisé.e.s que jamais. 

Avant, ces plateformes permettaient aux TDS de filtrer les clients, faire leur publicité et négocier les ententes en ligne. Maintenant, iels doivent s’en remettre à la rue, où iels sont davantage vulnérables et où, pour survivre, iels doivent souvent baisser leurs prix. 

Au Canada, la loi C-36 vise à incriminer les clients et les employeurs de salons de massage. Encore une fois, la loi a plutôt nui aux TDS

« La situation s’est assurément dégradée pour les travailleuses du sexe, affirme-t-elle. On doit faire de plus en plus de compromis sur le plan de la sécurité afin de s’assurer que les clients ne se fassent pas arrêter […] Mme Wesley déplore aussi que les propriétaires de salon de massage hésitent à dénoncer leurs clients dangereux parce qu’ils craignent d’être arrêtés à leur tour et de perdre de leur entreprise. »

La vérité, c’est que peu importe les lois, le travail du sexe a toujours existé et existera toujours. Il me semble qu’il serait temps d’y aller pour une autre approche.

 

7. Les TDS sont les mieux placé.e.s pour participer à l’adoption de lois

Je finirais comme ça. Je souhaite que les TDS soient plus visibles dans nos médias et en politique. Pour cela, il faut les décriminaliser et les inviter à la table. Personne n’est mieux placé que les TDS pour prendre des décisions les concernant.

C’est un peu comme lorsqu’une table d’hommes prend les décisions pour les femmes. Ça ne fonctionne pas. Écoutons les TDS en toute humilité et ouverture. Autrement, nous serons toujours pris.es avec un système à deux vitesses et des programmes inutiles qui, pire encore, nuisent aux TDS.

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