Quand une pandémie expose la pression sociale vécue par les femmes

« Peut être que tu vas être laid, ça se peut, ça. Mais si tu es un gars, ce ne sera pas grave, tu auras juste à être drôle. Ou à jouer de la guitare. Mais si tu es une fille, ce n’est pas pareil. Non, tu ne peux pas être laide si tu es une fille. » Cette phrase entendue dans File d’attente, magnifique série disponible sur ICI TOU.TV, m’a secouée par sa véracité. Car encore en 2020, on a tendance à juger l’homme principalement sur son discours et la femme sur son apparence.

J’entends déjà les voix s’élever pour m’accuser de généralisation hâtive. Peut-être. Mais ce que je constate, c’est qu’on parlera sans gêne du look désinvolte des Catherine Dorion et Safia Nolin de ce monde, ou de celui, « trop » habillé, d’une Pauline Marois, en occultant ainsi le principal : leurs voix. Tandis qu’au même moment, les choix vestimentaires des hommes publics passent sous silence. Eux, on préfère les écouter. Bien sûr, l’homme se doit d’avoir une apparence soignée et de respecter un certain décorum. Mais la culture de la beauté telle que les magazines mode nous la présentent, avec ses standards irréalistes et ses nombreuses injonctions (plus ou moins directes) à prendre soin de son apparence, exige davantage des femmes.

Il s’agit d’une pression sociale plutôt pernicieuse, comme l’est d’ailleurs l’entente tacite qui fait encore aujourd’hui de la femme la « maîtresse » du foyer, avec la charge mentale qui l’accompagne. Encore une fois, je généralise, merci à tous ces papas impliqués et ces hommes au foyer. Mais, il faut se l’avouer (et les statistiques le prouvent); c’est encore à maman que revient le plus souvent le soin d’organiser le Tetris du quotidien. La femme moderne se doit donc d’être une carriériste performante, une mère impliquée et l’image même de « l’esprit sain dans un corps sain ».

Il suffit de regarder l’offre qui se multiplie chaque printemps dans les centres de fitness, virtuels ou non, avec cette même promesse : « soyez prêtes pour la saison du bikini ». Le bikini. On ne parle pas de la saison du costume de bain, qui pourrait être un peu plus inclusive à l’égard de la gent masculine. Non. La femme est la cible numéro un des diètes et des programmes d’entraînement et on la « motive » en lui faisant ressentir de la culpabilité d’avoir « abusé des bonnes choses » durant la saison froide. Oui, on vante également les corps masculins sculptés. Mais soyons francs, la petite bedaine de bière est encore socialement plus acceptée que la culotte de cheval.

À l’heure du déconfinement, la pression est encore plus forte : en plus des exigences habituelles, il faudrait non seulement se presser chez le coiffeur pour cette vilaine repousse et se dépêcher de perdre les kilos accumulés durant l’isolement. Car la femme aura beau s’armer de ses meilleures blagues, revenir au travail avec 10 lb de plus et le fond de la tête grisonnant ne passera pas inaperçu auprès de certains collègues qui ne se gêneront pas pour en faire mention (en riant, bien sûr, ce n’est qu’une petite blague, n’est-ce-pas?). Mais, pourquoi se permettre ce genre de commentaires? Est-ce que l’apparence des femmes est une affaire publique? Aussi, est-ce que l’apparence des autres – surtout des femmes – est vraiment une priorité en ce moment, en pleine crise sanitaire mondiale?

Considérant tout ça, je me demande: avons-nous fait du chemin en tant que société, depuis la première où nous avons entendu le fameux adage « sois belle et tais-toi »? Les femmes, encore aujourd’hui, sont confrontées à une forte pression sociale qui leur dicte les standards d’apparence auxquels elles doivent aspirer et correspondre. Que la pression de l’apparence soit encore aussi forte en situation de pandémie ne fait que confirmer ce qu’on savait déjà.