Je vois passer beaucoup d’articles et de publications sur les réseaux sociaux qui nous annoncent que la crise de la COVID-19 serait apparemment la fin de la vie telle qu’on la connaît. On nous prédit que les humains vont enfin réaliser que la Terre ne tourne pas rond (au sens figuré), que le capitalisme est sauvage et engendre plein d’inégalités sociales et que l’essentiel de la vie ne s’achète pas dans les magasins. De mon côté, je trouve que c’est bien l’fun de croire ça, mais j’ai de très gros doutes.
D’abord, je crois qu’en fait, les humains savent déjà très bien que le capitalisme n’est pas optimal pour semer des arcs-en-ciel dans la vie de tous et que le vrai bonheur ne s’achète pas. Je crois que personne n’est dupe et je crois aussi que malgré tout, la vie reviendra « à la normale » après la crise. Je crois que dès que ce sera possible de le faire, collectivement, nous recommencerons à voyager, à prendre le système de santé pour acquis et, parfois, à soupirer contre l’emballeur qui a mis les oeufs dans le fond de notre sac d’épicerie.
Je crois aussi (et mes études en sociologie supportent mes croyances) que la vie telle qu’on la connaît est fondée sur des systèmes économiques et sociaux inégalitaires qui, qu’on le veuille ou non, sont plus forts qu’une crise sanitaire… même lorsqu’elle est planétaire. Même en prenant momentanément conscience de ce qui compte « réellement », de ce qui nous apporte vraiment du bien-être et de ce qui constitue un « service essentiel » pour notre société, l’économie capitaliste n’a pas dit son dernier mot et n’attend que le « go! » du gouvernement pour se remettre à l’oeuvre et nous forcer à mettre de côté nos belles constatations des derniers mois.
Dans quelques semaines (ou quelques mois, tout au plus), la vie reprendra son cours; nous retournerons au travail puis, lorsque notre compte en banque nous le permettra à nouveau, nous fréquenterons les magasins, les restaurants et les terrasses dès que ce sera permis. On nous dit qu’il faudra probablement un an ou plus pour que la vie redevienne « normale »; nous devrons faire attention, respecter de nouvelles normes d’hygiène plus strictes qu’à l’habitude et maintenir une certaine distanciation sociale. On nous dit que seul un vaccin pourra nous permettra de retrouver la vie telle qu’on la connaît. Plusieurs personnes croient d’ailleurs que le monde sera changé à tout jamais; qu’on ne pourra pas oublier cette pandémie et les apprentissages qu’on en tirera, collectivement ou personnellement.
Traitez-moi de pessimiste si vous le voulez, mais je crains que les arcs-en-ciel disparaissent des fenêtres bien assez vite après la fin de la crise et que le centre-ville soit à nouveau envahi de consommateurs prêts à dépenser leurs dollars durement gagnés. Que les voitures retrouvent les routes et que les usines recommencent à rouler à plein régime pour produire, produire, et produire toujours plus pour répondre à la demande constamment grandissante des humains qui peinent à se satisfaire de ce qu’ils ont (et je m’inclus dans le lot parce que même si je travaille vraiment là-dessus, je ne suis pas parfaite). Parce qu’il y aura toujours des choses plus belles, plus nouvelles et plus brillantes à se procurer… pour oublier qu’on n’arrive pas à se satisfaire pleinement des choses simples qu’on croyait pourtant avoir redécouvertes pendant une certaine pandémie.
Bientôt, la vie reprendra son cours. Qu’on le veuille ou non. Et dans le tourbillon du quotidien, il va falloir qu’on fasse un effort conscient pour se rappeler, pour prendre du recul, si on veut vraiment que les choses changent. Je crois que ça se peut, je crois juste que ça ne sera pas magique. On voit présentement que de plus en plus de personnes se tournent vers l’économie locale en encourageant les petites entreprises d’ici et que de belles initiatives d’entraide sont mises sur pied; ce sont des pas dans la bonne direction, celle d’un monde un peu plus juste, un peu plus humain. Espérons que nous serons en mesure de continuer sur cette belle lancée!
Croyez-vous que ça se peut?