Dans la vie, il y a les règles, les lois, et aussi, le « bon sens ». Le hasard a fait que j’ai récemment achevé ma lecture du célèbre 1984 de George Orwell. J’ai aimé, sans plus, sûrement parce que j’avais déjà goûté à d’autres œuvres littéraires et cinématographiques dystopiques, qui s’étaient assurément elles-mêmes inspirées du classique d’Orwell. Néanmoins, je reconnais la singularité des idées développées dans l’œuvre. L’actualité de ces idées, plus de 50 ans plus tard, est inquiétante. Ou pas, si l’on se met dans les souliers de l’auteur.
Pour ceux qui l’ignore (aucun jugement, j’ai passé à travers un bac et une maîtrise en littérature sans avoir lu Orwell… ni Madame Bovary), 1984, publié en 1949 (!), est un roman imaginant ce que peut être une société totalitaire de type communiste, au sens où tous sont égaux. Personne ne manque de quoi que ce soit d’essentiel, mais en échange, personne n’a la moindre liberté individuelle. Bien sûr, la société est faite de manière à vous convaincre du contraire : oui, vous vivez dans l’endroit le plus sécuritaire au monde, sous le chef le plus altruiste au monde (Big Brother vous regarde), et on vous protège de l’ennemi à l’extérieur des murs qui veut s’attaquer à votre liberté…
J’ai ensuite eu envie de me plonger dans un autre succès d’Orwell : La ferme des animaux. Dans le même esprit, il s’agit du récit d’une ferme initialement entretenue fermement par un homme. Rêvant de liberté, les animaux se soulèvent contre l’homme et réussissent à le chasser des lieux. S’ensuit l’instauration du gouvernement des animaux, égaux et libres. Le partage des tâches est instauré de manière équitable afin d’assurer la jouissance de tous, jusqu’à ce que… l’égalité et l’équité s’effondrent sous le poids des péchés habituels : gourmandise, avarice et luxure, entre autres.
Ce qu’on retrouve chez ces œuvres d’Orwell, ce sont des idées capitales qui devraient habiter tous les êtres pensants. Il nous fait réfléchir à la nature de la liberté, ainsi qu’à son prix. Il nous fait réfléchir à la nature profonde de l’être humain : est-il profondément bon, ou mauvais? (Philo! Yay!)
Mais ce qui m’a le plus terrifiée dans ces œuvres, et j’imagine que ce n’est pas pour rien qu’elles sont passées à la postérité, c’est leur clairvoyance au sujet de la nature des gouvernements. Qu’il soit capitaliste, communiste, démocratique ou totalitaire, un gouvernement sera toujours formé d’humains dont certains tenteront inévitablement d’obtenir plus au détriment des autres. Dans une société, il y aura toujours ceux d’en haut, ceux d’en bas, et ceux du milieu. Peu importe les tentatives d’instaurer l’équité entre tous… C’est l’amer goût que nous laisse la lecture d’Orwell : il y aura toujours des asservis et des asservisseurs.
C’est pourquoi ces œuvres sont essentielles pour l’ensemble du genre humain, et je comprends pourquoi elles se retrouvent souvent dans les programmes scolaires; pour nous aider à développer notre jugement critique et à ne jamais « prendre pour du cash » ce que ceux « au-dessus » de nous tentent de nous faire croire.
Ces dernières semaines, je ressentais un énorme malaise à voir Facebook s’enflammer pour notre Premier ministre, comme si toutes les maladresses et tous les scandales passés n’avaient pas existé. Quel homme! Quel leader! Comme dirait Marc Labrèche parodiant Sophie Durocher : «WAKE UP GUYS! WAKE UP»!
Ma lecture d’Orwell s’est faite au rythme de la pandémie, et voilà : je crois plus que jamais qu’il est dangereux de succomber à la tentation de remettre son esprit aveuglément entre les mains d’autrui, sans poser de questions, sans réfléchir. C’est stressant, réfléchir. Épuisant, parfois. C’est peut-être ça, le prix de la liberté?
Non, on ne vit pas dans un cauchemar totalitaire orwellien. N’oublions juste jamais qu’un cauchemar peut devenir réalité, c’est tout. Et que les atteintes à notre liberté peuvent prendre plusieurs formes et avoir différentes intensités.
P.S. En contrepartie, ce n’est pas mieux de devenir fou en voyant des complots partout… Les nuages… LES NUAGES!