On vit une énième semaine de distanciation sociale (quel jour on est déjà?) et je me suis dit que tant qu’à avoir une crise existentielle, autant l’écrire pour sortir le tout. Je ne fais que ça, refléter, introspecter, sur-analyser à longueur d’année, mais dans ce paysage de fin du monde, on dirait que c’est exponentiel. Comme tous, je rumine à propos des nombreuses conséquences de cette crise sur ma santé physique et mentale, ma vie professionnelle, ma vie relationnelle et j’en passe. Oui, j’ai des pensées catastrophiques qui viennent avec; va-t-on vers un monde plus socialement juste, ou sorti tout droit de dystopies post-apocalyptiques? On me dit de respirer et de prendre ça une journée à la fois, de me concentrer sur les sensations, sur l’agréable.
Étant une personne très hédoniste et sensuelle (signifiant bien le plaisir que je retire de tous mes sens), ce qui me manque le plus dans cette parenthèse bizarre, ce sont justement les sensations que m’amène le fait d’être avec des gens. On se fait dire que la distanciation sociale ne rime pas nécessairement avec isolement, parce qu’on a FaceTime, les réseaux sociaux, le téléphone. Pour moi, tout un monde sépare mon téléphone et les gens que j’aime. Toutes les subtilités des échanges humains ne sont pas présentes quand je converse avec quelqu’un à travers mon écran.
D’ailleurs je n’avais jamais réalisé à quel point les images de mon téléphone sont pixélisées. Je vois mes interlocuteurs, mais je les feel pas. Je peux dire qu’après tout ça, je vais vraiment apprécier plein de petites choses que j’avais prises pour acquises. Je pense entre autres aux plis et aux fossettes qui déforment d’une si belle façon le visage d’une personne quand elle sourit.
À être obligée de les écouter à travers mes haut-parleurs, je serai reconnaissante d’entendre le timbre de voix des gens que j’aime, et la nuance de ce timbre quand on est de près, de loin, à l’intérieur ou à l’extérieur. J’ai hâte d’entendre clairement comment le souffle est distribué et les émotions entrecoupées dans les phrases de nos conversations.
Quand ce sera fini, nous aurons à nouveau accès à tout un registre de sensations de de sons; du plus gros au plus petit, jusqu’aux murmures à l’oreille. J’ai hâte d’entendre le tout petit bruit que les lèvres et la langue font quand les paroles sont si près, que la bouche de la personne qui me parle frôle mon lobe d’oreille. Je n’aurais jamais cru dire ça un jour, mais je vais apprécier cette sensation de brûlure dans mes joues quand elles virent au rouge lorsque je me trouve malaisante. Je vais apprécier l’odeur particulière des endroits où je me sens bien, mais surtout l’odeur des gens que j’aime (je rêve du jour où je prendrai ma première sniff du crâne de mon neveu né la semaine dernière).
Je me dis qu’après ce moment de confinement, peut-être bien qu’on délaissera nos fameux écrans et qu’on se regardera enfin dans le blanc des yeux. Étant obligés de se parler à travers des vitres, on apprendra qu’il y a plus aux interactions humaines. On appréciera les odeurs, les touchers, les brises que l’on sent sur notre peau quand quelqu’un se déplace près de nous. En attendant, il faudra se contenter de l’odeur de la pluie et de la chaleur du soleil.