J’ai toujours eu du mal avec le concept de paresse. D’après les définitions, on parle d’un évitement – voire d’un rejet – des efforts, d’un manque d’énergie, d’une lenteur dans l’action, de négligence, d’un péché capital… Bref, c’est mauvais! Pourtant, j’ai toujours réalisé que derrière ce qui semble être une simple volonté d’inaction, il y a souvent plusieurs explications valides. En fait, pour moi, la paresse n’est qu’une manière de percevoir une personne.
Je ne dis pas cela pour excuser absolument tous les comportements auxquels on attribue ce mot, mais pour dire qu’on peut faire autre chose, plutôt que de dire que quelqu’un est tout simplement paresseux. D’ailleurs, je suis souvent dépitée devant le nombre de choses que l’on associe à un simple « manque de volonté ». Genre… ne pas vouloir avoir d’enfants, vouloir travailler assis.e ou manger la bouffe qu’on aime, ça peut être interprété comme de la paresse pour certains.
Bien sûr, nous sommes tous différent.e.s, avec des responsabilités et des objectifs différents dans la vie. Je peux faire avec facilité des choses qui demanderont beaucoup d’énergie à une autre personne. L’inverse est aussi vrai, évidemment. Dans tous les cas, le jugement n’est pas bienvenu.
On m’a déjà dit que mes études étaient une perte de temps et une raison pour moi d’éviter le travail à temps plein. Eh bien, je préfère « perdre mon temps » à faire quelque chose qui me maintient éveillée et qui me rend productive plutôt que de passer mes journées à faire n’importe quelle job pour laquelle je n’ai aucun intérêt qui me rendrait malheureuse à long terme.
Je pense même que ce qu’on appelle « paresse » peut être un signal! Le signal qu’on est fatigué.e ou qu’il est temps de passer à autre chose.
C’est connu, nous sommes dans une société qui valorise la productivité. La surproductivité, même. Il est généralement bien vu de travailler au-dessus de nos moyens, quitte à s’épuiser en faisant un très grand nombre de tâches avec la pression d’y aller à cent milles à l’heure. Ce serait une preuve de dévouement, à ce qu’on dit. Je ne compte plus le nombre de fois où mes ami.e.s me confiaient être épuisé.e.s par l’école et/ou leur emploi, au point de vouloir tout lâcher et d’avoir envie d’être ailleurs. Je me sentais cheap de dire « prends du temps pour toi » car parfois, ça ne se pouvait juste pas. Je suis très consciente que les responsabilités sont souvent très prenantes et que même l’idée de trouver un moment pour souffler peut sembler absurde. Pourtant, c’est tellement nécessaire (et tellement sous-estimé)!
Souvent, on ne peut même pas se permettre d’être malade. Je parle aussi de cet ami qui a développé des problèmes sérieux au dos à force de faire du travail physique, de cette amie qui a quitté de nombreux emplois en raison d’un trouble d’anxiété pour lequel il n’y avait pas eu d’accommodements et qui s’est fait reprocher de ne pas avoir fait assez d’efforts pour y rester. On a vécu, ou on connaît tous.tes une personne qui a souffert d’une trop grande charge de travail ou d’un milieu inadapté.
J’ai souvent écrit sur la neurodiversité et les besoins particuliers que ça peut engendrer, mais la vérité, c’est que nous avons tous des besoins particuliers. Même une personne qui a toujours eu une excellente santé physique et/ou mentale peut vivre un événement perturbant qui peut changer le cours des choses. On a tous nos moments où nous sommes en mode économie d’énergie.
Si être paresseux.se, c’est de prendre du temps pour soi pour recharger ses batteries, prendre du temps pour faire les choses correctement, prendre du temps pour bien se préparer, prendre du temps pour être avec ceux qu’on aime, prendre du temps pour guérir, prendre du temps pour aider son entourage, prendre du temps pour bien manger et bien dormir, prendre du temps pour respirer après une épreuve, se donner du selfcare; je le suis de tout coeur et je compte même continuer à l’être.