C’est indéniable, l’industrie du divertissement pour adultes est bien ancrée dans notre société et le site pour adulte PornHub (qui appartient à MindGeek, une compagnie installée à Montréal1) nous permet d’avoir une idée de l’ampleur de notre consommation avec son bilan annuel de 2019. Le Canada arrive en 4e position des pays ayant généré le plus de trafic sur son site et 32% des personnes ayant visité le site au Canada en 2019 sont des femmes. Qu’on soit à l’aise avec cette réalité ou non, il faut accepter qu’une part non négligeable de Québécois.es et de Canadien.ne.s consomment de la pornographie et du divertissement pour adultes (à fréquence variable).
Ceci étant dit, une question importante demeure : malgré la présence importante de cette industrie ici et ailleurs, ses revenus immenses et la quantité impressionnante de personnes qui consomment les contenus pour adultes, pourquoi est-il si difficile pour plusieurs de respecter les travailleuses du sexe?
Pour en finir avec l’hypocrisie
C’est une chose d’affirmer que, personnellement, on ne pourrait pas occuper un tel emploi (c’est correct, personnellement, je ne pourrais absolument pas travailler comme soudeur ou comme pilote d’avion, chacun son truc), mais ça en est une autre d’insulter, de stigmatiser et de traiter avec dégoût les personnes qui ont décidé un jour ou l’autre de travailler dans l’industrie du divertissement pour adultes pour toutes sortes de raisons qui ne regardent qu’elles. C’est encore plus hypocrite quand on consomme soi-même les productions auxquelles participent ces mêmes travailleuses, vous ne trouvez pas?
Est-ce que ça semble logique d’insulter ou de maltraiter le cuisinier du restaurant qui vient de vous faire un repas que vous avez apprécié simplement parce que VOUS vous ne feriez jamais un tel métier? Est-ce bienvenu de rabaisser le plombier qui vient de réparer votre toilette parce que vous trouvez ça « dégradant » d’avoir les deux mains là-dedans? Est-ce acceptable de cracher au nez de l’éboueur qui vous rend service en ramassant vos ordures parce qu’il fait un métier qui ne demande pas de grandes études? La réponse est des plus évidentes: non. Aucun de ses comportements n’est acceptable.
Chaque métier existant répond à des besoins et offre des services différents (sinon, ce métier n’existerait tout simplement pas) et chacun devrait avoir le droit au respect, peu importe le travail qu’il occupe. Il en va de même pour les travailleuses (et travailleurs) de l’industrie pour adultes; ces personnes ne devraient pas être stigmatisées et méritent le respect comme tout le monde. Tout spécialement de la part des gens qui consomment leurs productions en privé, mais qui, ensuite, les rabaissent et les stigmatisent en public.
Deux poids deux mesures
J’aimerais aussi glisser un mot sur l’importance de combattre les doubles standards, dans une industrie où les femmes sont énormément plus stigmatisées que les hommes, qui eux, peuvent presque parfois être traités en héros pour le même genre d’activités.
Juste à imaginer le scénario fictif suivant, où durant une discussion autour d’une bière, un homme ou une femme annonce à son collègue de bureau qu’il ou elle a déjà travaillé brièvement dans l’industrie pour adultes durant ses études il y a plusieurs années.
Pas besoin de se mentir, l’homme qui a déjà dansé au 281 ou joué dans une production amateur risque de recevoir un petit sourire en coin et une tape dans le dos, alors que la femme qui a déjà dansé nue a beaucoup plus de chance de subir du jugement, de créer un malaise et d’être stigmatisée, voir rejetée. Pourtant les deux ont exercé un métier similaire. Il nous faut repenser nos façons de voir les choses et mettre fin à ces doubles standards sexistes.
Qu’on le veuille ou non, la nature humaine fera qu’il y aura toujours une demande pour une industrie du divertissement pour adultes. Sachant cela, pourquoi ne pas cesser d’être hypocrites, s’assumer et briser les tabous? Je pense que diminuer la stigmatisation et les jugements dont sont victimes les travailleuses de l’industrie pour adultes ne peut que les aider à faire leur travail de façon plus sécuritaire et à obtenir éventuellement de meilleures conditions de travail.
Si vous aimez regarder des productions pour adultes, soyez conséquents et démontrez donc du respect pour ces travailleuses qui vous ont permis de passer un bon moment. C’est la moindre des choses, non?
1Saviez-vous que le leader mondial de la pornographie a ses bureaux à Montréal? Même en regardant son site web, impossible au premier coup d’œil de vraiment savoir ce que fait Mindgeek, qui s’y décrit simplement comme « le leader mondial de l’industrie des technologies de l’information ». Il n’y a pourtant aucun doute, plusieurs centaines d’employés travaillent tous les jours à Montréal pour ce qui est aujourd’hui la plus grande société de divertissement pour adultes au monde. Les noms Brazzers, YouPorn, RedTube ou encore PornHub vous disent quelque chose? Et bien, ce sont toutes des propriétés de MindGeek.
NDLR: L’industrie du sexe peut être très violente envers les femmes et les filles et provoquer de nombreuses situations d’exploitation sexuelle. Ces situations d’exploitation – où les femmes et les filles mineures ne sont pas libres – doivent être dénoncées. Par contre, des femmes font le choix libre de devenir travailleuses du sexe ou de travailler dans l’industrie du divertissement pour adultes; leur choix doit être respecté et ces femmes aussi doivent être respectées et protégées. L’organisme Stella milite activement pour les travailleuses du sexe et, pour en savoir plus sur la question, on vous invite à lire cet excellent article publié dans Le Devoir le 16 février 2020.