TW / Mise en garde / Traumavertissement : tentative de suicide
Chère moi, âgée de douze ans, je sais que c’est difficile – parfois presque impossible – d’ouvrir les yeux, de mettre un pied devant l’autre et de faire face au quotidien quand sonne l’alarme chaque matin. Je sais à quel point il t’est lourd d’effectuer les gestes routiniers, pourtant si anodins, pénible de prendre part à quelconque activité, horrible de feindre de vivre, au jour le jour, alors que depuis plusieurs mois, tu peine à seulement survivre. Je sais à quel point les ados peuvent être méchants, parfois même de véritables tyrans, à quel point il est humiliant de devoir manger seule, cachée dans les vestiaires, et à quel point tu as hâte que 16h vienne et que le martyr se termine…
Oui, je le sais, tout ça…
Chère moi, âgée de douze ans, ça me brise le coeur de savoir à quel point tu te fais violence, d’être au courant de tous les tourments qui t’habitent, de savoir que tu es à la fois ton propre bourreau et ta pire ennemie, et de constater à quel point tu te fais le dos large, pour porter tout le poids du monde…
Je suis consciente de tout ça…
Chère moi, âgée de douze ans, je sais que le matin où tu t’es réveillée, allongée dans le lit d’hôpital, le bras branché à 3-4 solutés, le visage de maman penché au-dessus du lit, vert-blanc d’inquiétude, ce matin-là, il t’a heurtée comme un camion dix-roues. Parce qu’Il est venu par surprise. Parce que la veille, tu avais décidé que tu n’en reverrais plus, des matins. Qu’en fait, tu ne reverrais plus jamais rien. Rien du tout.
Chère moi, âgée de douze ans, je sais tout ça, crois-moi. Je connais tout le malheur qui s’abat sur toi, la rage et la peine qui te collent à la peau et te laissent toujours un arrière-goût amer, tout au fond de la gorge. Je sais que du haut de tes 12 étés, tu as l’impression que face à la vie, tu ne fais pas le poids…
Mais ma chère moi, âgée de douze ans, ce que je sais également, c’est que maintenant, j’en sais bien plus que ça. J’en sais bien plus que toi.
Chère moi, âgée de douze ans, l’histoire, la vraie, je la connais mieux que quiconque. Aujourd’hui, je suis reconnaissante que cette histoire – la tienne, la mienne – se soit poursuivie ce matin-là. Regarde-nous maintenant, regarde comme on a grandi, comment on s’en est sorties. Regarde à quel point tu es heureuse, épanouie et forte désormais. Regarde à quel point les choses ont changé, à quel point TU as changé. Armée de courage, tu as pris la vie d’attaque; tu as fait de ton bonheur un choix, une arme contre la misère du monde. Tu es devenue la personne que tu admirais tant, celle que tu voulais être; celle dont tu avais besoin. Et ça, personne ne peut te l’enlever; tu es la preuve que tu pouvais y arriver.
Chère moi, âgée de douze ans, je sais qu’à ce moment-là, tu pensais être seule au monde. Tu croyais qu’être isolée et incomprise faisait partie de ton destin, que personne ne saurait t’écouter de la bonne façon. Mais ma belle moi de douze printemps, je sais que ce n’est pas vrai. Des croûtes, j’en ai mangé. Des défaites, j’en ai essuyé. Les outils sont là, pour toi. Prend une bonne bouffée de bravoure, et outille-toi, parce que chère moi de douze ans, je te promets que la chère toi de 22 ans en vaut la peine.
— Ta maintenant fière et heureuse; toi.
Du 2 au 8 février, c’est la 30e Semaine nationale de prévention du suicide.
Si vous ou un proche en ressentez le besoin, contactez Suicide Action Montréal au 1-866-APPELLE
Pour plus d’information, découvrez la campagne Tombent les masques 2020 sur le site de Suicide Action Montréal.
Comme notre collaboratrice, Marilyn Bastien et Véronique Bannon témoignent pour qu’enfin tombent les masques…